lundi 2 septembre 2013

Iles habibas à Oran : une aire marine à protéger

Naima Benouaret a interviewé Ali Halimi, président de l'Association nationale de protection de l'environnement et la lutte contre la pollution. Il s'exprime ici sur la nécessité de mettre en place des mécanismes institutionnels forts pour protéger les zones naturelles en Algérie.
El Watan, le 15.08.13. 

Le dossier porte sur des subventions et l'accompagnement nécessaires à l'élaboration d'une charte de la pêche durable et d'un guide de bonnes pratiques. A ce travail, dont le but est de s'aligner sur les standards internationaux, seront associés les professionnels de la pêche.

Bonne nouvelle pour les gestionnaires de l'Aire marine protégée (AMP) des îles Habibas, au nord-ouest d'Oran : le dossier relatif à un important projet soumis au MedPAN, réseau regroupant des organismes de gestion des AMP de tout le Bassin méditerranéen, vient d'être accepté, a annoncé Ali Halimi, président de l'Association nationale de protection de l'environnement et la lutte contre la pollution (ANPEP). Le dossier, explique la même source, porte sur des subventions et l'accompagnement nécessaires à l'élaboration d'une charte de la pêche durable et d'un guide de bonnes pratiques.

A ce travail dont le but est d'aligner sur les standards internationaux les normes de gestion de cette grande réserve naturelle seront associés les professionnels de la pêche. Sur un total de 45 dossiers émanant de plusieurs pays d'Europe et d'Afrique, le réseau MedPAN a ainsi donné son feu vert à seulement trois d'entre eux, à savoir l'Algérie, la Croatie et l'Espagne. Si les gestionnaires croates cherchent à doter l'AMP du Parc naturel d'un système d'information géographique en vue de faciliter l'analyse et le suivi des processus naturels marins, les Espagnols cherchent eux à renforcer les moyens de lutte contre la pêche illicite dont est victime l'AMP de l'Andalousie, précise M. Halimi.

S'agissant du financement des trois projets, ils sera mobilisé par deux fondations européennes ainsi que le Fonds français pour l'environnement mondial, leur objectif étant d'améliorer l'expertise des AMP et encourager les gestionnaires des AMP de l'ensemble méditerranéen à partager leurs pratiques respectives, indique le président de l'ANPEP.

Aujourd'hui, nous observons de par le monde une prise de conscience réelle sur le rôle important des AMP. Car elles représentent des outils efficaces qui offrent une protection durable, permettent la restauration et assurent l'utilisation prudente de ce legs naturel. L'AMP des îles Habibas, la première qui fut créée dans notre pays, doit servir de locomotive en matière d'expertise de gestion. Et notre source de renchérir :"La région Est recèle plusieurs zones marines qui doivent être protégées, notamment à Annaba, Jijel, Béjaïa, Skikda, El Kala et Chetaïbi. Nombre de ces zones abritent des communautés coralligènes exceptionnelles et plusieurs espèces menacées répertoriées dans la Convention de Barcelone. Nous sommes en train de préparer des dossiers et soumettre nos propositions à Gemalit, un groupe de spécialistes œuvrant pour la protection des aires marines ainsi qu'au Commissariat national du littoral et la Fédération algérienne de pêche qui fait un travail remarquable en se mobilisant dans la lutte contre la surpêche et la pêche illicite".

Pour notre interlocuteur, il est grand temps d'agir pour mettre un terme aux graves atteintes à la biodiversité et à l'écosystème. Les conséquences qui en découlent sont désastreuses sur l'humain et la nature. Les agressions environnementales dans notre pays se multiplient à un rythme inouï considérant la hausse du trafic maritime, la pollution industrielle, la surpêche, l'expansion urbaine le long des côtes, exposant à un danger certain plusieurs zones d'importance écologiques, déplore M. Halimi. Et d'ajouter : "L'Algérie, qui a ratifié la Convention sur la diversité biologique doit s'impliquer davantage dans la protection de l'espace marin et faire en sorte que la conservation de la biodiversité marine soit l'une des priorités politiques, économiques et sociales".

A ses yeux, beaucoup reste à faire, surtout en matière institutionnelle, car les textes existants souffrent encore de tant de lacunes et ne peuvent par conséquent permettre la création de plus d'AMP, c'est-à-dire garantir une conservation efficace des espaces marins. Une mise à niveau du cadre juridique est à ce titre plus que nécessaire. "Nous estimons, par exemple, peu logique que la création et la gestion d'aires protégées en ce qui concerne les parcs nationaux côtiers soit du ressort de la Direction générale des forêts (DGF) et que le Commissariat national du littoral (CNL), sous tutelle du ministère de l'Environnement, soit, en revanche, limité à surveiller la gestion des aires marines et côtières". 

Une caravane éco-touristique algérienne ambitieuse boudée par les sponsors privés

Organisée par l'association Explorer, la "Caravane vers l'est" qui s'ébranlera sur les routes algériennes à partir du 20 août avec une vingtaine de personnes à son bord se veut une expédition éco-touristique. Les idées foisonnent mais les sponsors ne suivent pas.

Le projet est ambitieux.
Partir à la conquête de l'Est algérien avec l'environnement et la nature pour horizon. A travers Béjaïa, Jijel, El Kala, Sétif et Tikjda, la "Caravane" composée d'une vingtaine de membres (organisateurs, journalistes et invités d'honneur), animera des ateliers, des randonnées et des rencontres-débats. "L'objectif est double", explique Nabil Abboud, président de l'association Explorer créée en 2007 à l'initiative d'étudiants de l'Université des sciences et de la technologie Houari-Boumédiène d'Alger (USTHB). "D'une part, faire connaître notre organisation présente dans onze wilayas qui vient de recevoir son agrément et d'autre part, rencontrer les autorités locales pour leur présenter nos actions et établir des partenariats".

Pour mener un tel combat, l'association Explorer compte surtout sur ses forces internes. L'ensemble des membres, au nombre d'une cinquantaine dont la moitié sont membres fondateurs, s'activent depuis la fin juin pour préparer ce convoi atypique. Pendant la "Caravane vers l'est" prévue du 20 août au 5 septembre, huit d'entre eux assumeront le rôle d'organisateurs, deux seront chargés de la coordination, trois du planning et deux de la restauration. "Cette année, nous aurons un cuisinier avec nous", précise Meriem Djouhri qui fera partie de l'équipe restauration pour la seconde année consécutive. "La Caravane 2012 composée de 21 participants a été un peu difficile à gérer car nous n'avions aucune expérience dans le domaine de la restauration collective mais maintenant nous sommes mieux préparés".

Absence de sponsors privés

Du côté des ressources externes, en revanche, le renfort manque cruellement. "Nous avons envoyé notre dossier de sponsoring à une vingtaine d'entreprises privées mais pour l'instant nous n'avons reçu aucune réponse positive", confie Samy Mohammedi Bouzina, responsable du sponsoring. Faute d'apports financiers extérieurs pour boucler le budget estimé à un million de dinars, les organisateurs ont dû revoir leurs ambitions à la baisse. "On va sûrement annuler les projections sur les places des villes traversées ainsi que les formations auprès des associations locales que nous avions programmé de prendre en charge", déplore le président Nabil Abboud. Le nombre de participants a par ailleurs été restreint à une vingtaine au lieu de cinquante prévus initialement. Leurs cotisations permettront de payer les frais de nourriture, d'hébergement et de transports.

Soutien de la Direction générale des forêts

Si le privé n'a pas répondu à l'appel, le public à travers la Direction générale des forêts (DGF), soutient, elle, l'initiative de l'association. L'organisme dépendant du Ministère de l'agriculture et du développement rural a mobilisé ses directions régionales pour accompagner la Caravane lors de son passage. "A Jijel, l'hébergement de toute la Caravane est pris en charge par la DGF", indique Nabil Abboud. "A Tikjda, la DGF encadrera le bivouac ainsi que la randonnée et l'exposition".

Échaudé par le manque de réactivité des entreprises privées, l'association Explorer est en train de revoir sa stratégie de financements. "L'association avait décidé de ne pas prendre de subventions étatiques pour rester dans le cadre de l'organisation non gouvernementale (ONG) mais, suite à cette expérience, on va peut-être revoir notre jugement", reconnaît Nabil Abboud qui ne manque pas de rappeler que les actions d' Explorer ne se limitent pas à la "Caravane vers l'Est". L'association a mis en place un programme d'éducation environnementale à destination des écoles et prépare un festival d'écologie urbaine qui se déroulera au mois de février à la Casbah. Mais pour l'instant toute l'équipe d'Explorer se mobilise pour la Caravane. "On partira avec des flyers, des casquettes, des tee-shirts et surtout notre bonne volonté", conclut le jeune président de l'association.

Nejma Rondeleux, à propos de la difficile mise en route d'un projet éco-touristique.
Maghreb émergent, le 06.08.13.

A Béjaia, une forêt est sauvée in-extremis d’un massacre au béton

Le pouvoir politique a plié devant la pression de la rue. Il vient, en effet, de céder devant la forte mobilisation de la population de la ville de Béjaïa, qui s'est fermement opposée à l'attribution d'un espace vert, de plus d'un hectare, à un promoteur dans le tourisme.
Les autorités de wilaya, à leur tête le wali de Béjaïa, Hammou Ahmed Touhami, viennent de renoncer à un projet d'hôtel qui allait être érigé au niveau du boulevard Amirouche, en plein de centre de Béjaia, sur un espace boisé, situé non loin du théâtre régional de la même ville. Si la banderole de plusieurs mètres déployée sur les lieux depuis plusieurs jours comme pour dissuader ceux qui seraient tentés de revenir à la charge, l'annonce de l'attribution de cette forêt, un véritable poumon dans la vieille cité, a pris une ampleur de scandale et mobilisé une grande partie de la population. Une mobilisation qui a été payante puisque le  wali de Béjaïa a préféré annoncer rapidement l'annulation du projet qui, selon les protestataires, violait les règles d'urbanisme. Le projet prévoyait la construction d'un hôtel alors que les centaines d'arbres centenaires pour la plupart, qui forment le tissus végétal du site, servent à stopper un glissement de terrain et donnent ce cachet particulier à l'une des plus anciennes villes méditerranéennes.

Mobilisation citoyenne
Jamais de mémoire de Béjaouis, une cause n'a autant mobilisé la population. Les premières actions de rue, initiées par les habitants du boulevard Amirouche et relayées par les réseaux sociaux, ont eu raison des velléités de la "mafia du foncier", qui convoitait cet espace vert. "Après avoir amputé le parc d'attraction, la zone humide de Mezzaïa, de plusieurs hectares pour y ériger une coopérative immobilière, des sièges d'institutions publiques et accordés des permis de construire tous azimuts à des promoteurs immobiliers indélicats y compris sur des terrains forestiers, ils viennent à présent s'emparer d'un espace aussi vital que cette forêt du Boulevard Amirouche", peste un des animateurs du mouvement de protestation.

Medias et réseaux sociaux en renfort
Approuvé dans la plus grande discrétion par les autorités locales, ce véritable massacre écologique n'aurait pu être évité sans la vigilance de certains cadres de la wilaya hostiles au projet et qui ont ébruité l'affaire via les médias et réseaux sociaux. Des informations détaillées sur le bénéficiaire du terrain - un promoteur d'une wilaya limitrophe - et des détails sur le projets étalés sur la place publique ont suffi à donner naissance à un mouvement de protestation qui voyait ses rangs grossir au fil des jours. Dans leur missive interpellant le wali, les citoyens de Béjaïa ont rappelé que le terrain, objet de la concession "abrite des arbres centenaires que ni le colonialisme, ni les intempéries ni même le temps qui passe n'ont pu arracher ; véritables poumons et imparables stop pollution, ajoutons à cela le rôle stabilisateur contre la menace perpétuelle d'un glissement de terrain.". L'ampleur du mouvement de contestation et le formidable élan de solidarité né autour de la protection de ce patrimoine naturel n'ont pas échappé au pouvoir politique local. Le projet a été annulé. Une belle victoire de la mobilisation citoyenne. 

Nabil Zenache, à propos de la mobilisation citoyenne à Bejaïa contre la destruction du poumon vert de la ville.
Maghreb émergent, le 07.08.13

Le réseau algérien des femmes en économie verte veut prendre de l'envergure

Nejma Rondeleux, à propos du développement du réseau algérien des femmes en économie verte.
Maghreb émergent, le 19.05.13

Femmes en économie verte. Le pari est difficile. Le réseau algérien des femmes en économie verte veut relever le défi, et permettre à des femmes d'investir ce créneau.

Depuis sa création en novembre 2012, dans le cadre du programme allemand GIZ-DEVED, « Développement économique durable », le réseau algérien des femmes en économie verte (RAFEV), a mis en place plusieurs outils et actions. Sa présidente, Karima Bergheul, souhaite à présent l'ouvrir plus grand nombre. « Rafev est ouvert à toutes les femmes opérant dans le domaine de l'écologie et de l'économie verte », dit-elle, en guise d'appel. Le réseaus « vise à regrouper toutes les parties prenantes, des chercheurs aux praticiens, en passant par les universitaires, les associations et les institutions publiques, telles que l'ANDPME, les agences de promotion de l'investissement, les pépinières d'entreprises, etc. », poursuit cette chercheuse au Centre de développement des énergies renouvelables (CDER) de Bouzaréah. Le réseau offre ainsi à ses adhérentes, femmes actives dans le domaine de l'entreprise ou de l'agriculture, des conseils et un accompagnement dans leurs projets.

Le réseau est né en novembre 2012, à la suite d'une conférence organisée à Alger par le programme GIZ-DEVED sur le thème «Employabilité et entrepreneuriat pour les jeunes et les femmes dans l'économie verte en Algérie ». Il une cinquantaine de membres actifs, entre autres, dans le recyclage des déchets, les industries propres et l'agriculture verte. « Rafev rassemble, par exemple, la fondatrice de l'entreprise de recyclage Plasticycle, une chef d'entreprise spécialisée dans les matériaux de construction écologique, ainsi qu'une porteuse de projet qui envisage de créer en Kabylie une entreprise de récupération de grignon d'olives pour produire de l'énergie biomasse », détaille Karima Bergheul.

 Une plateforme d'échanges et de conseils

 Rafev n'a toutefois entrepris qu'une seule action à destination du grand public. Le 25 avril dernier, le réseau a tenu son premier forum autour de l'entrepreneuriat et de l'employabilité des femmes dans l'économie verte en Algérie. Organisé sous le patronage de la Secrétaire d'Etat chargée de l'environnement, Dalila Boudjemaa, avec l'appui technique du programme GIZ-DEVED, en collaboration avec le Ministère de l'Industrie, de la PME et de la Promotion de l'Investissement (MIPMEPI), cette rencontre avait pour principal objectif de regrouper les acteurs et institutions concernés par le développement économique durable pour une meilleure collaboration intersectorielle et un réseautage. 

Grâce à la mise en ligne d'une plateforme web Rafev, le réseau dispose d'un outil de sensibilisation et de communication permanent au-delà des rencontres physiques. « Cette plateforme répond à un besoin d'échange et de dialogue entre les PME et les différentes parties prenantes de l'entrepreneuriat durable en Algérie », explique Karima Bergheul. Conçu comme un dispositif d'appui, le blog présente les différents programmes d'aides existants pour les porteurs de projets dans le domaine de l'économie verte et propose, à travers la mise en ligne de guides, certaines réponses aux difficultés et problèmes rencontrés par ses membres. 

Suite au premier forum de Rafev, le réseau s'est doté d'un plan d'action. « Nos différentes réunions, nous ont permis d'établir une feuille de route portant sur l'identification des secteurs porteurs et des métiers verts, des acteurs et partenaires potentiels, ainsi que des difficultés et contraintes susceptibles d'être rencontrées par nos membres », déclare la présidente du réseau, qui prévoit d'organiser prochainement des rencontres un peu partout dans le pays afin d'attirer encore plus de femmes dans l'économie verte. « On souhaite construire un réseau d'adhérents motivés dans toutes les wilayas », précise-t-elle. 

jeudi 27 juin 2013

La coopération allemande privilégie le développement durable au Maroc

Anne-Sophie Martin, à propos des actions menées par la GIZ au Maroc. 
La Vie éco, le 21.06.13.

Plus important projet du portefeuille de la GIZ, le volet "Environnement et Climat" mobilise 40 millions d'euros. Appui à la mise en place d'un cadre législatif, ateliers de sensibilisation ou de formation, collaboration pour l'élaboration de stratégies sont le quotidien des conseillers de la GIZ.


Loin des agendas politiques, l'Allemagne et le Maroc entretiennent des relations étroites, et ce, depuis des décennies, dans les domaines de l'environnement et du développement durable. La coopération technique allemande, la Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ), rattachée au ministère fédéral de la Coopération économique et du Développement (BMZ), a même fait du Maroc un pays prioritaire pour sa mission dans la région méditerranéenne. Les montants alloués au Maroc sont loin d'avoir diminué. «Les fonds ont fortement progressé ces dernières années avec la participation d'autres ministères fédéraux aux budgets de la GIZ ou de la KFW», explique Philippe Simonis, conseiller technique principal du Programme de gestion et protection de l'environnement (PGPE). C'est depuis 1975 que la GIZ appuie le Maroc.

Ne figurant plus sur la liste des Pays les moins avancés (PMA), le Royaume ne bénéficie plus de dons, mais il profite néanmoins de l'assistance technique prodiguée par la GIZ et de l'assistance financière de la part de la banque Kreditanstalt für Wiederaufbau (KfW), également rattachée au ministère fédéral BMZ. 

Négociés tous les deux ans, les accords bilatéraux de coopération entre l'Allemagne et le Maroc fixent les budgets et les détails des projets pour les années à venir. Pour le Maroc, les dernières négociations en date remontent à 2012 et concernent donc les années 2014-2015.

Les trois pôles prioritaires appuyés au Maroc jusqu'en 2017 demeurent les mêmes. Ils concernent tous le développement durable : l'environnement et le climat, y compris les énergies renouvelables ; les ressources en eau ; et le développement économique et durable.

Le pôle «Ressources en eau», à travers le programme «Appui à la gestion intégrée des ressources en eau» (AGIRE) de la GIZ et le financement par la KfW d'infrastructures pour l'ONEE, représente un pan non négligeable de l'action allemande au Maroc. AGIRE, auquel contribue l'Allemagne avec 12 millions d'euros, doit s'achever en 2018.

Le volet «Développement économique et durable» comprend quant à lui l'appui (GIZ) aux très petites, petites et moyennes entreprises, et le soutien financier à la microfinance de la part de la KfW. Le pôle «Environnement et climat» est probablement le plus important du portefeuille de la coopération, qu'elle soit technique ou financière, de l'Allemagne. Il «comprend en tout et pour tout une vingtaine de projets, entre la GIZ et la KfW», explique Philippe Simonis.  

Une vingtaine de projets dans le programme «Environnement et climat» 

La KfW contribue au financement de ces projets à hauteur d'un milliard d'euros. On peut citer, entre autres, une partie de la future centrale solaire d'Ouarzazate, le plan éolien, des centrales hydrauliques ou encore le futur Centre national d'élimination des déchets spéciaux (CNEDS). La construction de ce dernier, situé près de Béni Mellal, devrait commencer dès 2014. Les études d'impact sont en cours.

La GIZ appuie, quant à elle, l'implémentation de 4 projets majeurs, pour un budget total de près de 40 millions d'euros. Au premier rang figure le Programme de gestion et de protection de l'environnement (PGPE) décliné en 5 composantes. La première, «Conseil en politique de l'environnement et du climat», accompagne le Maroc dans la mise en place d'un cadre législatif, réglementaire et stratégique efficace. La deuxième, «Formation environnementale», intervient aussi bien dans la formation des cadres des collectivités locales que dans l'établissement d'une stratégie nationale pour les métiers de l'environnement. La troisième, «Gestion intégrée des déchets industriels et dangereux», participe à la mise en place d'un cadre législatif complet et d'outils d'accompagnement. Dès l'approbation du décret relatif à la gestion des déchets industriels et dangereux, un système informatique (SIDID), dont la version pilote est déjà opérationnelle, pourra être généralisé pour suivre tous ces déchets au Maroc.

Quatrième composante du PGPE, la «Gestion de l'environnement industriel», basée à Mohammédia, sensibilise les industriels de toutes tailles à leurs obligations. Enfin, la «Gestion de l'environnement communal-Région Nord», projet monté à Tanger pour appuyer la mise en place d'une gestion intégrée des déchets ménagers, est réalisé en étroite collaboration avec les autorités locales. Un terrain a d'ores et déjà été trouvé pour que cette ville dispose enfin d'une décharge contrôlée.

Signalons également le programme «Promotion des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique» (PEREN), basé à l'ADEREE, et qui accompagne cette dernière dans la promotion de la biomasse ou encore de l'efficacité énergétique dans le bâtiment. Derniers nés, l'Appui au plan solaire marocain (APSM), basé à la MASEN, et l'ACCN : biodiversité et adaptation au changement climatique, qui concerne les régions Souss-Massa-Draa et l'Oriental, sont venus s'ajouter en 2012 à la palette d'actions de la coopération allemande.

Les prochaines négociations pour les années 2016-2017 se tiendront en 2014. Peut-être une occasion pour élargir le champ de la coopération. 

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vendredi 7 juin 2013

Benyounès plaide pour l’exploitation du gaz de schiste

D.R., à propos d'une déclaration controversée du ministre de l'Aménagement du territoire, de l'Environnement et de la Ville.
El Watan, le 06.06.13

"La polémique suscitée par l'exploitation du gaz de schiste est un faux débat", a déclaré hier Amara Benyounès, ministre de l'Aménagement du territoire, de l'Environnement et de la Ville, à l'occasion de la Journée mondiale de l'environnement.

Le ministre a plaidé pour l'exploitation du gaz de schiste tout en rassurant les Algériens sur son impact sur l'environnement. "C'est démontré que l'atteinte à l'environnement est vraiment nulle", atteste M. Benyounès.
Au sujet des sacs en plastique qui transforment en un tableau hideux nos villes et nos campagnes, le ministre a affirmé qu'un projet d'interdiction de leur commercialisation sera proposé prochainement au gouvernement.


lundi 13 mai 2013

Université en quête d’un label "vert"

Rachid Tarik, à propos du projet d'intégration de la thématique de développement durable dans l'enseignement supérieur
Le Matin, le 12.05.13

Un projet initié en partenariat avec le Bureau méditerranéen pour la culture, l'environnement et le développement durable.

À l'horizon 2050, les énergies renouvelables représenteraient quelque 30% des métiers verts, selon des études prospectives.

«L'économie verte signifie une gestion rationnelle des ressources naturelles, une faible émission de carbone et une forte inclusion de l'élément humain dans le processus de production. À l'échelle nationale, toutes les stratégies sectorielles (tourisme, agriculture, industrie, etc.) sont dotées de composantes de développement durable», a indiqué Moncef Ziani, membre du Conseil économique, social et environnemental, lors 
des rencontres du développement durable, organisées par l'Université Mohamed V - Souissi à Rabat sur le thème «Économie verte : quelles opportunités pour le développement durable au Maroc ?» Un cycle de rencontres mensuelles qui s'inscrivent dans le cadre du projet pour l'obtention du label «Université verte», «Green University», initié en partenariat avec le Bureau méditerranéen pour la culture, l'environnement et le développement durable (MIO-ECSDE, Mediterranean Information Office for Environment, Culture and Sustainable Development) en Grèce.

Le premier rendez-vous de ce cycle qui a débuté en février dernier a traité «le Maroc et le Sommet de Rio + 20», la rencontre du mois d'avril a débattu de l'économie «verte», le mois de mai sera réservé à l'efficacité énergétique et les énergies renouvelables. Quant à la rencontre de juin, elle abordera la gestion rationnelle des déchets solides et liquides. Au mois de juillet, les participants à la rencontre discuteront de l'application des principes de l'«Université verte» à l'intérieur et à l'extérieur du campus universitaire. «Aujourd'hui, des opportunités s'offrent à l'université en matière de croissance verte, car il existe déjà des conventions entre les instituts de recherche et le secteur privé», a ajouté M. Ziani.

Ce dernier a souligné que l'économie nationale a déjà entamé une émigration vers les métiers verts. «Dans le passé, le métier vert se limitait à celui qui s'occupait de la protection de l'environnement comme par exemple l'agent chargé des stations d'épuration des eaux usées. Mais aujourd'hui, l'éventail des métiers verts s'élargit. Conduire le tramway fait aussi partie des métiers verts». Si certains saluent les progrès réalisés en matière de reconversion vers la croissance verte, il n'en demeure pas moins que d'autres restent sceptiques à ce nouveau mode de production. «L'économie verte est une forme de la crise du système capitaliste ou apporte-t-elle de nouvelles solutions ?», s'est interrogé Mohamed Ftouhi, professeur à la Faculté des sciences de l'éducation et président du Club marocain pour l'environnement et le développement (CMED). Beaucoup d'interrogations persistent, mais cela n'empêche pas d'avancer des chiffres. À l'horizon 2050, les énergies renouvelables représenteraient quelque 30% des métiers verts, selon des études prospectives.  L'université entame également sa mue. «Le projet "Université verte" est une initiative, qui vise l'intégration de la dimension environnement et le développement durable dans les activités de l'enseignement, de la recherche et de l'interaction avec la communauté à travers des forums consacrés à des questions précises comme l'économie verte, l'efficacité énergétique, la gestion rationnelle des déchets solides et liquides, les changements climatiques et l'éducation pour le développement durable. Notre projet vise également à faire du campus universitaire un "espace ami" pour l'environnement, l'utilisation des énergies renouvelables, le recyclage et la revalorisation des déchets, l'usage rationnel des eaux et puis l'expansion des espaces verts au sein du campus universitaire», a souligné M. Ftouhi.

Le projet vise également la promotion du partenariat avec des instances internes et externes œuvrant dans le même domaine comme notamment l'administration, la société civile et les média. «Le projet "Université verte" s'appuie également sur l'implication de l'ensemble des acteurs universitaires : étudiants (clubs de la citoyenneté environnementale), enseignants chercheurs et le staff administratif (enseignement, recherche, actions concrètes sur le terrain et puis dialogue avec la communauté sur des questions relatives au développement durable aux niveaux local, régional, national et international)», a conclu M. Ftouhi. 


Patrimoine culturel

Établi en 1990 à Athènes, le Bureau méditerranéen pour la culture, l'environnement et le développement durable (MIO-ECSDE) est une Fédération d'organisations non gouvernementales (ONG) méditerranéennes pour l'environnement et le développement, agissant comme plateforme technique et politique pour l'intervention des ONG dans le pourtour méditerranéen. L'objectif principal du MIO-ECSDE est de protéger l'environnement naturel (biodiversité, forêts, côtes, ressources naturelles, climat) et le patrimoine culturel (monuments archéologiques, implantations traditionnelles, diversité culturelle, villes, etc.), ainsi que les domaines d'interaction entre les deux rives de la Méditerranée.

Repères

Le MIO-ECSDE entretient une gamme d'activités ciblées qui comprennent la mise en réseau, le renforcement des capacités des ONG, etc.
Dès ses débuts, le MIO-ECSDE a été à l'avant-garde des développements dans l'éducation environnementale et l'éducation pour le développement durable.
Le Plan national assainissement liquide (PNA), doté d'un investissement de 43 milliards de DH, prévoit de créer entre 2006 et 2020 quelque 20 000 emplois.

mardi 30 avril 2013

Docteur Hocine Bensaâd, expert en risques et prévention en hydrocarbures : "L’exploitation du gaz de schiste est une aventure"

Mehdi Bsikri, à propos de l'exploitation du gaz de schiste (interview du Docteur Hocine Bensaâd)
El Watan, le 27.04.13

Le docteur Hocine Bensaâd estime qu'il devient impératif de mettre en place une véritable politique énergétique pour le pays ; il soutient que les pouvoirs publics cachent à l'opinion publique des informations concernant les opérations d'enfouissement de gaz carbonique au Sahara.

Quel bilan pouvez-vous présenter concernant le domaine énergétique algérien ?
 
En 1971, l'Algérie n'a pas nationalisé les hydrocarbures. Elle a pris 51% des parts de la production. Mais même avec le nombre limité de compétences, les Algériens ont pu, malgré le chantage des Français, relever le défi et continuer à forer, explorer et à exporter.
L'argent acquis a beaucoup servi à la politique nationale de développement, comme la construction d'écoles et l'accès à la médecine gratuite. Malheureusement, la seconde étape, durant les années 1980, les capacités de l'Algérie ont été surestimées. Au lieu de continuer dans le même élan de développement social et économique, le gaspillage a commencé, avec en première ligne l'introduction du fameux plan antipénurie. En 1986, avec la chute des cours du brut, l'Algérie ne pouvait plus payer l'emprunt qui était de 38 milliards de dollars. Durant les années 1990, il y a eu la privatisation du tissu industriel et le départ de plus de 100 000 cadres algériens, d'après les chiffres de l'OCDE. Par ailleurs, compte tenu du fait que les principales ressources du pays sont les hydrocarbures, force est de souligner que pour un dollar exporté, 10 dollars sont importés.
Aujourd'hui, nous entrons de plain-pied dans la globalisation, mais nous n'avons pas établi une réelle stratégie de développement énergétique du pays. Il n'y a pas de débat ouvert

Cependant, il semble que rien n'est fait contre la corruption…
 
Le monde actuel connaît des changements. Mais il est purement question de la sauvegarde de la souveraineté, de l'indépendance et de l'intégrité du territoire. En parlant de corruption, il s'avère que Sonatrach est la vache laitière de l'Algérie. Je n'ai jamais vu un bilan de Sonatrach ou de Sonelgaz sur les montants investis. Quel a été le retour sur investissements ? Le ministre actuel de l'Energie parle d'investissements colossaux de Sonatrach depuis l'indépendance. Or, on n'a jamais demandé des comptes à des responsables.

Un mixte énergétique est-il possible à développer dans le cadre d'une stratégie ?
 
Avant de parler de mixte énergétique, la première des choses à noter est qu'en 1962, l'Algérie comptabilisait 9 millions d'habitants. Aujourd'hui, la population a été multipliée par 4, même si le niveau de vie a évalué par rapport à la situation post-indépendance. Donc, il faut tracer des objectifs. Dans 40 ans, quels seront la démographie et les besoins de la population;, en transport, en nourriture… Le constat qu'on doit d'abord faire est que, malheureusement, on a appris à l'Algérien à gaspiller. On peut parvenir, avec un politique judicieuse, à baisser la consommation d'énergie d'au moins de 30%.

Quand on fait un tour dans les magasins, il n'y a aucune législation interdisant l'importation de produits énergivores. L'Algérie est devenue un véritable dépotoir.

Autre exemple, l'importation de 400 000 voitures chaque année. Si chaque voiture roule 10 000 km, avec une consomation de 10 litres au 100 km, et avec tous les rejets, nous participons directement à la pollution, notamment dans les grandes villes. Lorsqu'on importe, on transfère des devises. Cela veut dire faire travailler d'autres industries et on oublie le chômage local. Les automobilistes doivent payer le prix réel de l'essence qui est actuellement subventionné par l'Etat.

Et puis, il faut une taxe sur les émissions carboniques pour sanctionner directement ceux qui circulent sans raison. Pour les lampes, la plupart, viennent de Chine, mais sans aucun contrôle au niveau des frontières. Nous avons une crise de logement, mais l'Etat continue à construire en béton, qui consomme énormément d'énergie, été comme hiver. Si les matériaux de construction étaient choisis convenablement, avec une meilleure réglementation, la consommation d'énergie serait réduite.

Les officiels évoquent l'épuisement des réserves d'hydrocarbures. Que pensez-vous de ces annonces ?
 
Comment les officiels peuvent-ils le savoir, car ils ne démontrent pas comment cela a été calculé. Il faut préciser que 80% du domaine minier algérien n'a pas été prospecté. Secundo, qui l'affirment : les Algériens ou l'agence internationale de l'énergie (AIE) ? Cette agence, faut-il le rappeler, a été créée en 1974, par les pays consommateurs, pour faire face à la crise de 1973, déclenchée après la guerre d'octobre (pays arabe contre Israël). L'AIE défend les intérêts des pays consommateurs et de ceux qui la financent, entre autres les compagnies pétrolières. L'AIE peut dire une chose aujourd'hui et le lendemain son contraire.

C'est une stratégie de communication. En 2012, un tapage médiatique a eu lieu pour faire pression sur l'Algérie afin de l'inciter à exploiter le gaz de schiste. C'est une véritable aventure. Si les médias lourds ont ouvert leurs portes aux officiels, il n'y pas eu un véritable débat national pour permettre aux experts et aux spécialistes, notamment en matière juridique, de donner leur avis. Un ensemble d'articles se terminent toujours selon «la réglementation» qui est d'ailleurs inexistante. Sur le plan juridique, il y a un vide extraordinaire. Je me demande si ce sont les Algériens qui ont rédigé les amendements de la loi sur les hydrocarbures promulguée en février dernier, ou croient-ils que les citoyens sont ignares pour ne pas comprendre.

Si ce ne sont pas les Algériens qui ont rédigé les amendements, qui est derrière ?

 
Les sociétés PB, Total, Statoil, ENI, Shell et autres compagnies connaissent très bien le pays. Elles l'ont même connu à des moments très difficiles. Ces compagnies sont pour la plupart situées dans des régions frontalières. Il est bien évident qu'elles voudraient forcer les Algériens à exploiter le gaz de schiste, tant il est vrai que le pays a énormément d'argent. L'exploitation de gaz de schiste est excessivement chère. Un seul puits de forage coûte 13 millions de dollars. Et un seul puits ne donne que 30% de sa capacité. Les dirigeants d'Exxon Mobil disent avoir laissé leurs chemises dans cette exploitation aux Etats-Unis. Le PDG de Total dit qu'au Texas, il y a laissé des plumes. Il s'attendait à  ce que le million de BTU soit vendu entre 6 et 8 dollars, il se retrouve à le vendre à 3 dollars. Par contre, s'ils peuvent le faire en Algérie, ils viendront. Les Algériens vont tout financer. Si c'est négatif, ils peuvent toujours partir. En plus, la technologie qu'il faut acquérir coûte cher. Pour les Américains notamment, le seul souci c'est de vendre le matériel de forage. Par ailleurs, un seul puits peut consommer 20 000 m3 d'eau douce pure, sans taux de salinité, puisque le sel est corrosif. Ajouter à cela le mélange à cette eau de produits chimiques. Cette eau, transportée dans des centaines de camions, 5000 en moyenne par puits, sera pompée de l'albien. Pour l'albien, il y a deux nappes, l'une au-dessus de l'autre. Et en Algérie, on en aurait pour de 40 000 milliards de mètres cubes d'eau.

Existe-t-il une alternative autre que le pétrole et le gaz ?
 

Pour le moment, il n'y a pas d'alternative au pétrole et au gaz. Il faut développer l'énergie solaire. Dans le domaine des constructions, personne n'interdit d'installer des capteurs solaires pour l'eau chaude et des panneaux photovoltaïques pour alimenter les ordinateurs, l'énergie solaire est une énergie démocratique. Son installation coûte cher, mais elle peut rentabiliser. Depuis 1975, on parle d'énergie solaire en Algérie, mais comme il y a le gaz et le pétrole, ça bloque. Quel que soit le pays, les énergies nouvelles ne se substitueront pas aux énergies fossiles. Il faut penser dès maintenant à utiliser les barrages que nous construisons pour la production de l'électricité : l'hydroélectrique.

Vous avez exposé récemment le problème de l'enfouissent du CO2 au sud d'In Salah…

 
Il existe 4 sites d'enfouissement de CO2 dans le monde, dont celui du site gazier d'In Salah, géré par Statoil et PB qui sont associés à Sonatrach. Lorsqu'il y a extraction de gaz naturel, il y a séquestration de gaz carbonique, pour qu'il ne soit pas torché. Il est séquestré dans une poche saline de 1550 m. Mais ce qui est très grave, on ne parle pas de cette séquestration en Algérie et cela depuis 20 ans. Statoil et PB font de la séquestration dans des sites qui ont été abandonnés. Je n'ai personnellement pas vu les études sur le comportement une fois le CO2 enfoui. C'est devenu un champ d'expérimentation à grande échelle. Le financement des travaux de recherches de séquestration à In Salah provient du secrétariat d'Etat américain et de l'Union européenne.

Environ 800 millions de tonnes de gaz carbonique sont enfouies. Dans d'autres pays, ils ont commencé d'abord par choisir des sites pour tester le comportement des sols. Des études ont lieu au Texas, au Queen Collège de Londres, en Norvège et au Japon, mais je n'ai vu aucun chercheur algérien dans un laboratoire, pour l'impliquer dans ces recherches.
Il y a une volonté de camouflage. Les données satellites qui mesurent l'élévation du sol sous la contrainte du CO2 montrent qu'elle est (l'élévation) de 4 millimètres chaque année.

Le laboratoire de recherche de Boston a arrêté la séquestration en juin 2011, car il y a eu détection de fuite de gaz carbonique. A 3%, le gaz carbonique est mortel. Comment est diffusé ce gaz carbonique dans la région d'In Salah ? La nappe albienne a-t-elle été touchée ou non ? Sinon, il y a forcément falsification des données. Et puis, à partir du moment qu'il y a eu des enfouissements, y a-t-il une surveillance ?

C'est toujours à travers les laboratoires de recherche qu'on obtient les informations, car les experts étrangers sont les seuls invités. Mais eux, ils publient notamment les anglophones. Car si on laisse les experts algériens travailler, ce sera divulguer les erreurs de Sonatrach. Il faut que les responsables rendent des comptes et comme ce n'est pas le cas, les gens croient qu'ils jouissent d'une immunité.

La ressource humaine est renouvelable : une population bien éduquée, des cadres bien formés, le pays sera entre de bonnes mains. Mais quand c'est le contraire, cela veut dire que la colonisation du pays est en marche. 

vendredi 12 avril 2013

Biodiversité : enjeu stratégique pour l’humanité

Slim Sadki, à propos du bilan de la biodiversité en Algérie
El Watan, le 12.04.13

L'atelier de restitution sur l'actualisation de la stratégie nationale de la préservation de la biodiversité s'est tenu les 7 et 8 avril à Sidi Fredj. El Watan Week-end fait le bilan de la biodiversité en Algérie.

Savez-vous que seulement 19 espèces végétales fournissent aujourd'hui 80% des denrées alimentaires de la population mondiale qui a atteint 7,1 milliards d'habitants le 1er janvier 2013 ? Savez-vous encore que les plantes sauvages et cultivées, animaux sauvages et domestiques qui ont donné ces variétés et contiennent surtout celles qui nourriront et soigneront les générations futures disparaissent à un rythme effrayant à cause de ce qu'on appelle l'érosion biologique ? Les spécialistes annoncent la sixième grande extinction qui, cette fois, est due à l'homme. Selon l' Union internationale de la conservation de la nature (UICN), une espèce animale ou de plante disparaît toutes les 20 minutes, soit 26 280 espèces disparaissent chaque année. Près d'un quart des espèces animales et végétales pourrait disparaître d'ici le milieu du siècle en raison des activités humaines.

La diversité du monde vivant, du monde biologique, est donc un enjeu majeur pour la communauté internationale, notamment depuis le sommet de la Terre de Rio en 1992, dont le grand public en a entendu parler pour la première fois à travers la convention internationale qui la concerne et qui a suscité d'âpres débats. Elle est en effet un bien précieux pour les services qu'elle rend, ressources pour les générations futures, fourniture d'oxygène, d'eau, puits de carbone, équilibre des écosystèmes et donc de leur productivité, des services utilitaires économiques, esthétiques, culturels, alimentaires, sanitaires… Mais c'est un bien précieux convoité par les industriels et les multinationales qui «brevètent le vivant», c'est-à-dire qu'ils s'approprient en droit les espèces, leurs variétés et leurs souches généralement spoliées dans les pays pauvres.

Biodiversité en Algérie

Depuis le sommet de la Terre de Rio I, des engagements ont été pris pour enrayer l'érosion et le pillage par les industries agro-industrielles et pharmaceutiques. Sans grand succès, même pendant la décennie 2000 qui lui a été consacrée ! Des stratégies ont été élaborées dans tous les pays pour tenter de freiner et d'inverser la tendance. En vain
Dès 1997, après la signature de la Convention sur la diversité biologique (CDB), l'Algérie s'est engagée dans un grand chantier de construction d'un édifice constitutionnel pour la préservation de la biodiversité. Un travail colossal du défunt le Pr Médiouni secondé par feu Sidali Ramdane du ministère de l'Environnement, et qui ont le mérite d'avoir fait un premier inventaire du patrimoine et jeter les bases de structures nationales opérationnelles. Comme c'est l'usage, cette stratégie vieille de 10 ans est en cours d'actualisation par le ministère de l'Aménagement du territoire, de l'Environnement et de la Ville (MATEV). Une équipe d'une trentaine de consultants, coordonnée par le Pr Aïssa Moali de l'université de Béjaïa, vient de rendre ses premiers résultats dans un atelier qui s'est tenu à Sidi Fredj.

Note optimiste

Tour à tour, la situation de la biodiversité dans les différents écosystèmes aquatique et terrestre et de celle de la faune et de la flore a été passée en revue. Si l'on a convenu que l'indispensable connaissance sur les espèces animales et végétales, de la plus grande à la plus infime, a globalement évolué grâce à la recherche universitaire encore trop faible mais aussi par l'apport plus concret d'études et de projet de classement, les menaces ont  pour leur part progressé à un rythme toujours aussi inquiétant : eaux usées, déchets solides, réduction des habitats, urbanisation, démographie, infrastructures, grands ouvrages hydrauliques, etc. montrent des courbes à croissance exponentielle. A la note optimiste apportée par le bilan de l'avifaune s'oppose celui des zones humides menacées carrément d'assèchement ou celui d'écosystème agricole où les pertes drastiques en variétés par le biais des importations de semences placent chaque jour davantage notre pays en dépendance directe des multinationales de l'agroalimentaire. A l'inverse, l'ignorance de notre patrimoine et la cupidité vident nos réservoirs de biodiversité aussi dangereusement que ceux des champs d'hydrocarbures.

Mourad Ahmim, Chercheur en écologie et environnement : Près de 75 espèces sont menacées en Algérie


Il existe dans notre pays 109 espèces de mammifères dont 75 sont menacées à différents degrés, c'est-à-dire 78,44% du patrimoine mammalogique algérien. Le braconnage est la menace majeure qui pèse sur eux, tout particulièrement sur les gazelles et grands artiodactyles, l'hyène rayée est systématiquement tuée et les chauve-souris disparaissent à cause de la destruction des biotopes. Les écrasements sur les routes achèvent les mangoustes, les genettes, les hérissons… Il faut prendre conscience que sans ces animaux, notre existence est appelée à connaître ce qui est appelé communément chez les scientifiques la rupture de la chaîne écologique. L'urgence est de limiter et réduire les menaces et les atteintes, ensuite de faire en sorte de mieux  les connaître pour protéger ces animaux qui sont nos auxiliaires. A titre d'exemple, la protection des chauve-souris évitera l'emploi de ces grandes quantités d'insecticides qui nous tuent à petit feu. Une seule chauve-souris peut manger jusqu'à 6000 moustiques par heure !

Salima Benhouhou, Maître de conférences en phytoécologie : Le manque de données retarde l'évolution de notre biodiversité

Notre patrimoine est représenté par une très grande diversité d'habitats et de formations végétales. Il est concentré dans le nord de notre pays. Le nombre total d'espèces végétales est estimé à 4000, dont environ 90% se trouvent dans le Tell. Avec 300 taxons endémiques et 1630 espèces rares, l'importance de la conservation de ce patrimoine n'est plus à démontrer. Il est très difficile d'estimer ce que nous avons perdu en matière de biodiversité floristique. Cela dit, il est probable que certaines régions d'accès difficile (ou dangereux) aient été préservées. Le manque flagrant de données de terrain actualisées constitue un handicap majeur pour apprécier l'évolution de notre biodiversité. Il est urgent de mettre en place un cadre global, cohérent, légalisé pour fédérer les travaux de recherche et fonder une base de données outil indispensable pour une gestion efficiente de notre patrimoine. La formation des jeunes, les futurs gestionnaires de cette biodiversité, est également une urgence, surtout lorsque l'on sait qu'à l'heure actuelle, il y a très peu de systématiciens.

Lounaci Abdelkader, Professeur à l'université de Tizi Ouzou : La croissance démographique dégrade les points d'eau

Des centaines d'espèces ont établi dans chaque point d'eau un réseau trophique complexe assurant un fonctionnement équilibré. Une telle richesse écologique traduit de grandes valeurs en biodiversité. Ces milieux ont cependant subi une dégradation sévère liée aux effets de la croissance démographique. Entre 1984 et 2010, beaucoup d'espèces ont disparu dans plus de la moitié des stations où elles ont été récoltées. D'autres ont vu leurs aires de distribution se réduire aux zones des sources et de leurs émissaires, d'autres encore ont carrément changé d'écologie. Nous avons pu observer des pullulations d'organismes très polluo-résistants ainsi que des vecteurs de maladies (paludisme, fièvre jaune, leishmaniose) et la raréfaction des poissons. Il convient d'élaborer une base de données pour regrouper celles taxonomiques, établir des cartes faunistiques (poissons et invertébrés) pour identifier des zones sensibles, soit fortement dégradées et à restaurer, soit encore préservées des activités humaines et donc à conserver. Cela permettra encore de planifier les éventuelles interventions d'aménagement pour valoriser les milieux naturels.

Rachid Amirouche,  Responsable de l'équipe biosystématique et génétique des plantes d'Alger : Les espèces spontanées représentent un potentiel inestimable

Le nombre de projets de recherche sur les espèces spontanées a augmenté durant la dernière décennie. Des études biologiques, cytogénétiques, biochimiques et sur les marqueurs moléculaires de l'ADN, sont menées chez nous sur diverses espèces d'intérêt scientifique, agroéconomique ou médicinal. Malgré des difficultés de logistique, très nombreuses, les résultats s'accumulent peu à peu notamment pour la caractérisation des espèces et des écotypes. Il faut savoir que l'écotype est une espèce donnée et qui est génétiquement adaptée à un milieu donné et à un facteur écologique comme la sécheresse ou la salinité. Ces populations représentent un potentiel inestimable. C'est en fait un réservoir où on peut puiser les gènes d'intérêt utiles dans les programmes de sélection et d'amélioration. C'est ce patrimoine phytogénétique qui fait aujourd'hui la convoitise des firmes internationales de l'agro-industrie. Il faut le protéger et le préserver. Ces espèces spontanées se sont formées au bout de plusieurs dizaines ou centaines de milliers d'années d'évolution ; leur disparition serait donc irrémédiable !

vendredi 5 avril 2013

Les six dangers qui menacent nos forêts

Nassima Oulebsir, à propos du rapport de la FAO sur l'état des forêts méditerranéennes
El Watan, le 22.03.13

La FAO a rendu public hier à Tlemcen son rapport sur l'état des forêts méditerranéennes. En Algérie, la situation est alarmante, car plusieurs dangers les menacent.

Les feux : 52 000 hectares brûlés en 2012


Pendant la décennie noire, les autorités algériennes ont abandonné la gestion des forêts. «Par mesure de sécurité, les forestiers se sont retirés en laissant à l'abandon les parcs nationaux, rappelle Reinhard Alexander Kastl, conseiller technique principal du projet régional Silva Mediterranea à GTZ (coopération internationale). Certaines zones sont restées sans plan d'aménagement.» Mohamed Harroun, expert forestier, insiste sur «l'inaccessibilité sur les lieux d'incendies et l'absence d'une bonne gestion».

Contrairement aux idées reçues, il ne faut pas «laisser la nature faire les choses. Et si plans il y a, ils ne sont pas actualisés et n'ont pas intégré les nouveaux aspects et critères de la prévention contre les feux de forêt», éclaire Reinhard Alexander Kastl. L'expert estime nécessaire une meilleure collaboration des forestiers avec les autres intervenants : la Protection civile bien sûr, mais pas seulement. Contrairement aux Marocains où l'armée aérienne intervient, l'Algérie est appelée, toujours, selon lui, à revoir sa stratégie. L'Algérie n'a pas encore appris à identifier les causes de ses feux pour mieux gérer la situation, atteste Valentina Garavaglia, experte à la FAO.

Le réchauffement climatique : 2C de hausse de température

L'Algérie verra sa température augmenter de 2°C, selon le rapport de la FAO et d'ici 2100, le mercure affichera une hausse de 2°C à 4°C accompagnée d'une baisse des précipitations jusqu'à moins 40%. Les périodes de sécheresse seront plus longues et régulières et des orages catastrophiques causant des érosions sont également prévus. «Le réchauffement climatique provoquera des variations dans le cycle vital des insectes et favorisera l'apparition de nouvelles maladies», prévoit Valentina Garavaglia. Mohamed Harroun estime par ailleurs que la nature de nos arbres ne supporterait pas ce changement.      

Les maladies et les insectes : 217 000 hectares ont été dévastés par les insectes en 2010


Alors que les experts expliquent la forte présence des insectes et des maladies par le réchauffement climatique, Nadia Brargue Bouragba, maître de recherche en écologie et entomologiste à l'Institut national de recherche forestière de Djelfa, évoque «les graves erreurs du Barrage vert», planté dans les années 1970 pour lutter contre la désertification : d'abord, la particularité des sols de chaque région où ont été plantés les arbres n'a pas été étudiée. Autre erreur : le choix de la monoculture (pin d'Alep). A Djelfa par exemple, la plantation de cet arbre est fortement déconseillée en raison de la présence des dalles de calcaire dans le sol qui empêche le pin d'Alep de se développer et entraîne l'apparition d'insectes défoliateurs (chenilles processionnaires ou tordeuses des pousses du pin) et xylophages extrêmement ravageurs, car ils se développent d'une manière incontrôlable dans le reboisement. 

La politique timide de reboisement : 404 000 hectares d'arbres plantés en 2010

«L'Algérie est condamnée à adopter une stratégie de reboisement plus large», affirme Mohamed Harroun. S'il n'y a pas assez de végétation pour protéger le sol, nous risquons une forte érosion et la perte complète des terres. Nous avons besoin d'étendre nos forêts. Notre patrimoine forestier est insuffisant. Des perspectives doivent être tracées pour mieux préserver l'équilibre écologique.» La FAO estime par ailleurs que les 404 000 ha plantés en 2010 sont insignifiants. La surface forestière en Algérie représente 1% de la surface totale du pays.  

Le manque de main-d'œuvre qualifiée : 2 écoles de formation seulement à Médéa et Batna
  

Mohend Messoudi, directeur à la recherche à l'institut de la recherche forestière de Tizi Ouzou, relève le manque flagrant d'agents spécialisés, notamment les démascleurs (ceux qui dépouillent les chênes-liège) ou les débardeurs-rouliers. Une soixantaine d'entrepreneurs de la filière liège menacent de déposer le bilan si des mesures exceptionnelles ne sont pas prises dans l'immédiat. Des promesses leur ont été données par le ministre de l'Agriculture. Pour sa part, le ministère de la Formation professionnelle attend encore le feu vert de la direction générale des forêts pour recenser les formations qualifiantes, selon Abbad, sous-directeur des établissements privés. La possibilité d'élargir le système Effis (European Forest Fire Information System), qui apporte un appui aux services des chargés de la Protection des forêts contre les incendies dans les pays de l'Union européenne et fournit des informations actualisée sur les feux de forêt, en Europe, au service de la Commission et le Parlement européens à la rive sud-méditerranéenne est en cours. Des formations sont déjà lancées, selon Reinhard Alexander Kastl.        

L'absence de culture verte : 1 centre d'études environnementales au profil des enfants à Guebès en cours de réalisation   

Les experts sont unanimes pour dénoncer l'incivisme. «La culture verte est quasiment inexistante en Algérie», regrettent-ils en reconnaissant que les autorités ont bien conscience de la nécessité d'intégrer le grand public dans leur stratégie, notamment à travers les médias lourds. Mais jusque-là, rares sont les démarches entreprises pour sensibiliser sur les forêts. Les experts qualifient l'absence d'un programme spécial dans les programmes scolaires comme un «drame». Mohend Messoudi raconte avec détresse les efforts qu'il fournit régulièrement pour accéder aux lycées et dispenser des cours sur l'arbre. Mohamed Haroun relève également le manque de sévérité envers les délits commis.

mardi 19 mars 2013

Zone humide de Guerbès à Skikda : un projet pétrochimique fait polémique

Khider Ouahab, à propos des réactions de protestation contre le projet pétrochimique de Sonatrach
El Watan, le 16.03.13

Un communiqué commun signé par deux associations locales, Les Amis de Skikda et Ecologica, est venu s'immiscer dans le débat déjà assez passionnel que nourrit la vox populi dans la ville de Skikda depuis l'annonce faite par Sonatrach d'implanter un méga-pôle pétrochimique à proximité de la zone humide Guerbès-Sanhaja.

Le communiqué, qui exprime au préalable «des réserves légitimes» des deux associations quant au «devenir écologique de la zone humide classée et protégée», propose, à tort ou à raison, d'installer «ce nouvel embryon industriel à la place du complexe pétrochimique CP1K qui est en voie d'être démonté, à moins qu'il ne faille trouver ailleurs, dans le pays, un endroit plus propice qu'à Skikda», lit-on dans ledit communiqué.

Les deux associations, Les Amis de Skikda et Ecologica, estiment, dans leur conclusion, qu'elles ne font à travers cet écrit qu'exprimer «les inquiétudes sincères de la population de Skikda et ses environs».   Pour revenir au projet, selon des sources crédibles, il s'agit d'un complexe pétrochimique composé d'une vingtaine d'unités qui vise à s'étaler sur une superficie de 600 à 700 ha. Sa vocation essentielle reste la valorisation de l'industrie pétrochimique en générale et le naphta en particulier. Le désir de Sonatrach d'implanter ce complexe à Guerbès a été révélé par M. Zerguine lors de son dernier déplacement à Skikda le mois dernier.

Prospection pour le choix du site

Les mêmes sources avancent également que des prospections relatives au choix de l'assiette devant abriter le complexe sont déjà en cours. «Le site convoité par Sonatrach est à moins de 3 km des limites nord-ouest du périmètre de la zone humide de Guerbès Sanhaja. Il commence à quelques encablures de Marsat Bel Abbès, où gît l'épave du Sophia, un navire échoué  le 7 mars 2008, pour s'étendre en amont vers l'ouest», expliquent nos sources. Quant aux motifs ayant conduit au choix de cet emplacement, les mêmes sources avancent que Sonatrach envisage, a priori, d'implanter ce complexe dans la zone industrielle de Skikda. «Le PDG a d'ailleurs exigé, lors de son dernier déplacement à Skikda à ce qu'on libère le maximum d'espace dans la zone, quitte à délocaliser les blocs administratifs. A mon avis, le choix de Guerbès reste une voie de secours qui sera retenue au cas où on ne parviendrait pas à trouver les 600 ha nécessaires au projet pétrochimique.»

Au sujet des raisons ayant mené Sonatrach à retenir l'option de Guerbès, nos sources avancent plusieurs argumentations : «Il y a d'abord la proximité avec la côte et avec les pipes de Sonatrach, qui envisage même de construire un port dédié exclusivement à l'exportation des produits du complexe. L'atout majeur c'est également les retombées socioéconomiques sur cette région déshéritée. N'oubliez pas que ce projet offrira 30 000 postes d'emploi direct, ce qui n'est pas rien.» Ces avantages ne semblent néanmoins pas convaincre certaines associations locales.

Appels à un débat public

Pour Souames Radouane, maître assistant à l'université de Annaba et président de l'association pour la protection de l'environnement Ecologica, le projet mérite un débat de fond avec l'ensemble de la société pour mieux cerner ses avantages et ses inconvénients. Lors d'un débat improvisé, il a accepté à revenir aux «fondements» qui emmènent l'association qu'il préside à émettre des réserves quant au projet de Sonatrach. «La décision de Sonatrach d'implanter un complexe pétrochimique à Guerbès est venue comme un cheveu sur la soupe, remettant pas mal de questions à l'ordre du jour. Elle tombe vraiment au mauvais moment, car notre lutte était axée sur l'urgence de parachever le plan de gestion de cette zone ainsi que son classement en aire protégée. Et voilà que la pétrochimie vient s'en mêler, au risque de rajouter au marasme d'un eldorado naturel que nous ne parvenions déjà plus à préserver.» Prié d'aller au fond des choses et d'expliquer clairement les raisons qui poussent Ecologica à voir d'un si mauvais œil le projet de Sonatrach, M. Souames répond que la configuration spatiale de la région laisse envisager que le complexe pétrochimique sera vraisemblablement implanté en dehors des limites de la zone humide, mais que cela ne devrait pas rassurer pour autant.

Il explique : «Si Sonatrach envisage d'implanter son complexe pétrochimique à l'ouest de la zone – et c'est l'unique emplacement possible – il  est important de relever que non loin de cette aire se trouve un site archéologique des plus importants de la wilaya de Skikda ; il s'agit des vestiges de l'ancienne Paratianis, une cité romaine prospère chère à saint Augustin. D'ailleurs, en reconnaissance de l'importance de ce site, le ministère de la Culture l'a retenu parmi les sites archéologiques du pays devant bénéficier d'un plan de protection. Une enveloppe financière conséquente a même été allouée pour préserver le site, qui abrite des vestiges, les 'Ruines saintes' et des  piscines d'eau de mer très rares en Algérie. Pourquoi alors prendre le risque d'anéantir tant d'efforts et tant de richesses ? Nous nous permettons de nous le demander et nous espérons que Sonatrach, qui reste qu'on le veuille ou non une entreprise citoyenne, puisse comprendre nos préoccupations qui, on n'en doute pas, sont certainement aussi les siennes.»

jeudi 7 mars 2013

Perspectives du développement durable en Tunisie : appui à l’initiative économique verte

À propos de la feuille de route tunisienne pour Rio+20
La Presse de Tunisie, 05/03/13

Les orientations fondamentales pour une feuille de route nationale servant à la mise en œuvre du document final de la conférence des Nations unies sur le développement durable Rio+20, et les moyens de sa concrétisation en se basant sur l'économie verte, le financement et le commerce international, tels sont les thèmes débattus par des experts, chercheurs et économistes tunisiens et étrangers lors du séminaire international de Tunis organisé aujourd'hui mardi, à Gammarth, (banlieue nord de Tunis).

Portant sur le thème de la feuille de route nationale pour Rio+20, le séminaire s'inscrit dans le cadre du suivi des recommandations issues de la conférence des Nations unies sur le développement durable qui s'est déroulé le 23 juin 2012, à Rio de Janeiro (Brésil), sur le développement durable et l'économie verte.

A l'ouverture des travaux, la ministre de l'Environnement, Mamia El Banna, a relevé que ce séminaire vise à dynamiser les moyens susceptibles de réaliser le développement durable suivant un nouveau modèle. Un modèle qui repose essentiellement sur l'économie verte et le commerce international. Elle a fait savoir que la situation transitoire de la Tunisie dans les différents domaines constitue une occasion pour élaborer un modèle de développement qui répond au mieux aux conditions sociales et économiques actuelles. La ministre a, à ce propos, mis l'accent sur l'importance de la restructuration du cadre institutionnel national de développement, le renforcement de l'initiative économique verte, ainsi que les opportunités d'emploi dans l'économie verte qui constitue l'un des domaines prometteurs dans le système national de l'emploi.

Elle a fait observer que le ministère se penche actuellement sur l'élaboration d'un plan de travail dans l'objectif notamment d'identifier des mécanismes innovants de financement pour soutenir le passage à l'économie verte, ainsi que la formation et le développement des compétences dans ce domaine, citant dans ce contexte l'initiative à créer, au sein du ministère, un bureau d'appui à l'économie verte.

Dans son intervention transmise depuis le Liban via skype, Roula Majdalani, chargée du département du développement durable et de la productivité à Beyrouth, a évoqué le cadre institutionnel international du développement durable et les propositions formulées pour le promouvoir après Rio+20.

Elle a également donné un aperçu du plan de développement des Nations unies après 2015, ainsi que du groupe de travail volontaire chargé de la concrétisation des objectifs du développement durable. D'autre part, elle a parlé des grandes thématiques qui seront évoquées au cours de la prochaine réunion régionale arabe sur le développement durable, prévue au mois d'avril 2013, s'agissant des besoins de financement pour le passage à l'économie verte, ainsi que de la modernisation de l'initiative arabe pour le développement durable et les priorités de la région.

Au programme du séminaire organisé par le ministère de l'Environnement en collaboration avec le bureau Pnud à Tunis (Programme des Nations unies pour le développement), figurent plusieurs interventions portant essentiellement sur «Le commerce international et les financements innovants au service du développement durable» et «La responsabilité sociétale des entreprises».

Pour rappel, la Tunisie abritera au cours de cette année la réunion régionale arabe sur le développement durable et la 5e session extraordinaire de la conférence des ministres africains de l'Environnement.


vendredi 1 mars 2013

Vers une société postcarbone

Par Hugues de Jouvenel, à propos de l'objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre
Éditorial de la Revue futuribles, n° 392, janvier 2013

Bonne année chère lectrice, cher lecteur. Je vous avais annoncé que la revue Futuribles deviendrait bimestrielle à partir de janvier 2013. Voici donc le premier cru de cette année nouvelle, dont j'espère que vous apprécierez le contenu. Fidèle aux préoccupations qui ont toujours été les nôtres, ce premier numéro de l'année est très largement consacré à l'essor de la société postcarbone ainsi qu'à la croissance verte.

Les lecteurs de Futuribles sont bien au fait des défis planétaires liés à la hausse de la demande en énergie, notamment celle d'origine fossile, et au changement climatique, qui résulte très largement des émissions croissantes de gaz à effet de serre, défis auxquels nous avons déjà consacré une large place dans les colonnes de notre revue. Peut-être même ont-ils noté la publication récente de trois études plus alarmantes les unes que les autres, qui révèlent combien, faute d'actions vigoureuses, s'aggrave le risque d'un réchauffement climatique dépassant largement les 2 °C en 2100 par rapport à 1990.

L'échec de la 18e conférence de l'Organisation des Nations unies sur le climat, qui s'est achevée le samedi 8 décembre à Doha (Qatar), ne leur aura pas non plus échappé : la déclaration finale se contente de réaffirmer l'ambition d'adopter un accord lors de la conférence suivante, en 2015, pour une entrée en vigueur en 2020. Le Canada, le Japon et la Russie ont décidé de se retirer du processus de négociation dans lequel les États-Unis eux-mêmes n'étaient jamais entrés. Seuls l'Europe, l'Australie et une dizaine d'autres pays — ceux-là ne représentant ensemble que 15 % des émissions — ont renouvelé leur engagement. Le tiendront-ils ?

Nos lecteurs sont assurément familiers de l'objectif « facteur 4 » (visant à diviser par quatre le volume des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2050 par rapport à leur niveau de 1990). Celui-ci a en effet été inscrit, en France, dans la loi de programmation de juillet 2005 fixant les orientations de la politique énergétique du pays, et a ensuite été réaffirmé par les lois Grenelle I et II, puis à nouveau par le président de la République lors de la Conférence environnementale de septembre dernier.

Dans la même optique a été constitué un « Conseil national du débat sur la transition énergétique », qui s'est réuni pour la première fois le 29 novembre 2012 et doit, une fois de plus, orchestrer un large débat censé conduire, en 2013, à une loi de programmation sur l'énergie. La question finit par se poser : n'y a-t-il en ces matières que de vaines palabres et une inflation de textes législatifs et réglementaires ? Heureusement, non.

En témoigne, par exemple, le programme copiloté par la Mission prospective du ministère français de l'Écologie et l'ADEME (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie), « Repenser les villes dans une société postcarbone », dont le rapport final est prévu en 2013 et sur lequel s'appuie notre dossier spécial coordonné par Jacques Theys et Éric Vidalenc. Pourquoi s'être concentré sur les villes ? Parce qu'elles contribuent pour plus des deux tiers à la consommation mondiale d'énergie et pour plus de 70 % aux émissions totales de CO2.

Mais aussi, affirment Jacques Theys et Éric Vidalenc, parce qu'elles maîtrisent en grande partie les leviers indispensables pour promouvoir une société postcarbone (le foncier, le logement, les transports…). Et que, de fait, de nombreuses villes européennes (Göteborg, Malmö, Fribourg-en-Brisgau, Copenhague…) jouent aujourd'hui un rôle pionnier. Que peut-être, comme l'affirme plus généralement Jean Haëntjens, « pendant que les États s'épuisent à courir après une croissance qui les boude, certaines villes […] préparent l'avenir ». En somme, tout se passe comme si le slogan « penser globalement, agir localement » correspondait bien aux pratiques que l'on observe aujourd'hui.

Et, cependant, on voit combien, plutôt que d'opposer le local au global, il est nécessaire de travailler simultanément à différentes échelles géographiques, comme du reste en intégrant les différentes échelles de temps. Un exemple à lui seul en témoigne. Le président de la République française a indiqué vouloir privilégier l'efficacité énergétique et la sobriété. Il s'est même engagé à mettre aux meilleures normes environnementales un million de logements neufs et anciens par an [1].

Nous pourrions tout aussi bien affirmer l'objectif d'abolir l'usage des automobiles particulières ou, du moins, leur circulation. Le problème est que nous devons aussi tenir compte d'inéluctables inerties — liées, par exemple, au bâti et à son implantation spatiale, que nous ne saurions renouveler du jour au lendemain. Sans même parler ici des contraintes financières, qu'il s'agisse des revenus des ménages ou des finances publiques qu'il faudrait mobiliser en dépit des restrictions actuelles...

Maintenant, tout le monde s'accordera à reconnaître que, plus long est le temps nécessaire pour opérer ces transformations, plus tôt il convient de les entreprendre, et que nul ne saurait se dispenser d'innover au prétexte que les autres s'en abstiennent.

[1]. « Discours d'ouverture de François Hollande à la Conférence environnementale », 14 septembre 2012, portail du gouvernement. URL: http://www.gouvernement.fr/gouvernement/discours-d-ouverture-de-francois-hollande-a-la-conference-environnementale-le-14-septem. Consulté le 12 décembre 2012.

mardi 19 février 2013

Pillage du corail à El Kala : comment lutter contre les réseaux transnationaux ?

Naima Benouaret, à propos du trafic du corail et des moyens mis en œuvre par la wilaya d'El Tarf pour lutter contre ce phénomène
El Watan, 16/02/13

Le trafic du corail atteint des proportions qui appellent une réaction plus énergique des pouvoirs publics. La nouvelle et jeune équipe, fraîchement installée à la tête des services de sûreté de wilaya d'El Tarf, semble déterminée à contrer les réseaux de plus en plus organisés et voraces. Elle est animée d'une grande volonté de s'attaquer au vrai mal, celui de la contrebande à grande échelle, et projette de mobiliser de gros moyens humains, logistiques et techniques pour la traduire sur le terrain.

La pêche illicite et la contrebande du corail sont au cœur des priorités. Des instructions fermes ont été données par notre hiérarchie pour mener une lutte sans merci contre ce phénomène qui, faut-il le reconnaître, a pris ces derniers temps une ampleur sérieuse», a indiqué le commissaire, Karim Labidi, chef de la cellule de communication. Pour lui, c'est contre de véritables groupes criminels organisés transnationaux, composés d'Algériens, Tunisiens et Italiens, qu'il est question de lutter. En se frottant à leurs pairs de la mafia du corail de Naples, l'une des plus puissantes au monde, les trafiquants locaux se sont, en effet, initiés aux pratiques mafieuses les plus modernes et sophistiquées, explique-t-il, ajoutant : «Ils ont fait de la paisible ville touristique d'El Kala le carrefour du grand trafic, la nouvelle route du crime, où se mêlent, désormais, trafic de drogue, prostitution et grande délinquance et nous ferons tout pour les identifier et mettre un terme à leurs agissements.»

Les revenus drainés par le commerce illicite du corail sont, en effet, si importants et les tentations telles que même des médecins, des avocats, des commerçants et des jeunes promoteurs ayant bénéficié des dispositifs d'emploi (CNAC, Ansej) ont décidé de mettre la main à la pâte, déplore le responsable. Selon lui, les 92 kg de corail saisis, les 17 personnes interpellées et la vingtaine d'affaires traitées en 2012 ne sont que le début de la vaste campagne lancée par ses services ainsi que ceux de la Gendarmerie nationale qui, pour sa part, a saisi près de 120 kg, pour combattre avec efficacité le phénomène. «Outre la répression, nous avons été instruits par le DGSN et le chef de sûreté de wilaya de multiplier les actions de sensibilisation auprès des populations, notamment la jeunesse, sur les méfaits au triple plan économique, environnemental et sociétal induits, par le phénomène.

Dans un contexte où la criminalité ignore les frontières, il est indispensable d'avoir une approche globale de la lutte contre la criminalité et de renforcer la coopération, en particulier entre les instances judiciaires répressives, sans oublier la société civile qui a un important rôle à jouer. Pour nous, la lutte contre la criminalité organisée, sous toutes ses formes, est un des défis majeurs à relever.» Du côté des gardes-côtes, les plus concernés, c'est le black-out. Le chef de la station maritime principale de Annaba s'est refusé à toute déclaration : «Nous ne sommes pas autorisés à faire des déclarations à la presse. Faites-nous un écrit officiel que nous allons adresser à nos supérieurs de la région qui vont, à leur tour, saisir leurs chefs hiérarchiques à Alger. Et ça risque de prendre beaucoup de temps.» C'est à croire que la pêche illicite du corail relève du… secret d'Etat.

Pour un ex-haut responsable des Douanes, actuellement à la retraite, «le trafic du corail est un domaine très complexe et sensible. Son interconnexion avec le trafic de drogue est aujourd'hui établie, il est sous le contrôle de personnes très puissantes que nul n'arrive à identifier ni à toucher», et de s'interroger : «Que représentent 200 kg saisis en 2012 par les policiers et les gendarmes d'El Tarf, sachant que des milliers d'embarcations sont déployées chaque jour par les groupes criminels dans la pêche illicite, si ce n'est des miettes. Nos ressources sont inestimables, à ma connaissance, les plus grandes au monde ?» Formel, notre interlocuteur, qui a eu à gérer les postes-frontières sensibles, points de passage privilégiés des réseaux contrebandiers – Bouchebka (Tébessa), El Hdada (Souk Ahras), Oum T'boul et El Ayoun (El Tarf) – lâchera : «En Algérie, tout le monde sait que si une affaire éclate au grand jour, ce sont les petits trafiquants qui servent de boucs émissaires.

Au-delà, les protections jouent, influant sur le fonctionnement des services de répression, tous corps confondus. En observant la stratégie du grand trafic et de la grande fraude, durant ma longue carrière, j'avais l'impression qu'un certain état d'esprit était entretenu à la base pour mieux justifier les excès du sommet. En d'autres termes, le système mis en place dans notre pays permet de faire rendre gorge aux petits trafiquants et de transiger avec doigté lorsqu'il s'agit des grands.» Et c'est justement aux infranchissables remparts dressés pour protéger ces derniers, que risquent de se heurter les jeunes policiers, gendarmes ou douaniers dans leur lutte contre le trafic et la contrebande du corail en Algérie. Car l'enjeu n'est pas des moindres : les profits engrangés s'élèvent à plus de 5 milliards de dinars pour les trafiquants nationaux et à des dizaines de millions d'euros pour leurs partenaires en Tunisie et en Europe.

jeudi 14 février 2013

Jean-Luc Mélenchon, leader du front de gauche : appel pour «s’opposer» à l’exploitation du gaz de schiste en Algérie

Fayçal Métaoui, à propos de l'opposition de Jean-Luc Mélenchon à l'exploitation du gaz de schiste en Algérie
El Watan, 14/02/13

Il paraît qu'on va exploiter le gaz de schiste chez vous.

Et ce sont les Français qui vont le faire. Moi, ça ne me plairait pas. Comme citoyen du même écosystème méditerranéen, je vous demande respectueusement : s'il vous plaît, opposez-vous à ça ! Il n'y a pas seulement la fracturation hydraulique qui permet l'extraction du gaz de schiste qui est dangereuse. Il ne faut pas extraire les gaz de schiste. Il faut s'obliger à développer l'inventivité, les machines et les moyens qui nous permettent de nous passer du gaz de schiste et des énergies carboniques. Nous savons le faire. Quelle est la limite à l'intelligence humaine ? Il n'y en a pas», a plaidé Jean-Luc Mélenchon, lors d'une conférence animée mardi soir à l'Institut français d'Algérie (IFA) à Alger, à la faveur d'une tournée maghrébine sur le thème «L'éco-socialisme, un nouvel horizon pour le XXIe siècle». Le leader français du Front de gauche faisait allusion à un contrat signé après la visite du président François Hollande à Alger sur l'exploitation du gaz non conventionnel en Algérie. «Nous nous opposons à l'exploitation du gaz de schiste en France. Exploitation qui pourrait faire de nous une Arabie Saoudite du gaz de schiste, selon Michel Rocard. Et, bien, nous, on ne veut pas devenir l'Arabie Saoudite. Rocard a toujours été exotique !

Le refus de cette exploitation n'est pas une décision politique facile à prendre. En Equateur, les camarades ont décidé de ne pas extraire le pétrole. Une décision unique au monde. C'est une manière d'économiser à l'humanité une certaine masse de CO2 qui ne sera pas émise. Dans ces conditions, les Equatoriens attendent de l'humanité de prendre une partie des coûts induits par cette décision. A cet effet, un fonds a été ouvert au niveau de l'ONU», a-t-il appuyé. Lors d'une rencontre avec la presse après la conférence, M. Mélenchon a soutenu : «Je ne suis pas d'accord sur le contrat signé entre Français et Algériens sur les gaz de schiste. Cela dit, nous n'avons forcé personne à le faire. Il y a bien deux autorités légitimes qui l'ont fait.» Le Front de gauche propose, selon lui, une thèse sur le renouveau de la pensée progressiste appelée «éco-socialisme». A ce propos, un sommet mondial est prévu à Quito, en Equateur. «Il s'agit du Forum mondial de la révolution citoyenne. Après Rome, Londres et Tunis, c'est à Alger que je viens proposer quelque chose qui sort de l'ordinaire de la politique. L'éco-socialisme ne nie pas les anciennes doctrines progressistes. Il les reformule en les contextualisant. Car, souvent, le discours progressiste semble figé alors que tout a changé dans le bon sens. Je ne suis pas un homme politique qui peint noir sur noir», a-t-il souligné devant un public nombreux.

D'après lui, l'humanité est en proie à des bifurcations anthropologique, écologique et autres. «Le mot bifurcation remplace celui de révolution. Manié dans tous les sens, ce mot a fini par ne rien pouvoir dire», a ajouté cet adepte du «matérialisme historique».
Pour étayer son propos et situer les enjeux, Jean-Luc Mélenchon a cité des chiffres actuels : 7 milliards d'êtres humains, 60% de la population mondiale vit en ville (66% pour l'Algérie), 80% des humains savent lire et écrire (77% en Algérie), 60% des femmes accèdent à la contraception (2,5 enfants par femme en Algérie), 30% de la population mondiale accède à internet (13% en Algérie), 450 millions d'habitants autour de la Méditerranée, 50 centimètres d'élévation du niveau de la mer dans cent ans… «Cette humanité nombreuse est à une nouvelle étape de sa socialisation. Il y a un accès à un savoir global gigantesque. Nous sommes des êtres de culture (…) L'individuation des rapports sociaux n'est pas en contradiction avec l'accélération de la socialisation», a-t-il observé.

Les gens de gauche doivent, d'après lui, modifier leurs points de vue sur la question écologique. «L'écologie est un défi concret, ce n'est pas une question idéologique. Il y a un seul écosystème compatible avec la vie humaine. Un système entré dans une grave perturbation, c'est celle du climat. Si nous voulons mettre un terme au dérèglement climatique, nous devons sortir des énergies charbonnées. C'est un défi politique extraordinaire. Ce n'est pas le retour à la bougie. Il faut continuer à faire vivre notre société avec d'autres méthodes. C'est pour cela que l'éco-socialisme est un défi intellectuel et technique. Cela veut dire une transformation profonde des processus de production et des modes de consommation», a-t-il relevé, critiquant le système publicitaire qui crée les «frustrations». Pour lui, l'air et l'eau purs relèvent de l'intérêt général humain.

«Domestication collective par la peur»

Il a analysé ensuite la financiarisation de l'économie assimilée à un mur. Il a démarré de l'abandon par les Etats-Unis de l'équivalent matériel (l'or) au dollar à partir des années 1970. «Pour nous, une monnaie décrochée de la valeur matérielle n'existe pas. Eh bien, cette monnaie a existé, c'est le dollar ! On a imprimé par milliards le papier-monnaie créant un effet de thrombose. La libéralisation du mécanisme global de la finance a fait que l'argent s'est mis à produire de l'argent comme si cela était possible. Aujourd'hui, 4000 milliards de dollars circulent par jour. Cent fois plus que la valeur des biens qui sont produits (…) Le jour où ce système se purgera, les Etats-Unis s'effondreront. Le capitalisme d'aujourd'hui est marqué par la finance «transnationalisée. Dans les entreprises, l'argent va plus au dividende qu'à l'investissement», a-t-il noté mettant en garde contre «un pillage aggravé» sur la base «d'un dumping social généralisé». Selon lui, il existe une organisation générale de la précarité ou «le précariat». «Cela va du marchand de fleurs dans la rue à l'ingénieur.

On parle de CDD, de contrat de projet… Des personnes de haut de niveau, des bac + 10, sont prises comme des travailleurs à la tâche ! Chaque jour, elles se demandent si elles vont avoir du travail la semaine d'après. C'est un système de domestication collective par la peur», a-t-il souligné. «Je suis un Français de gauche qui vient rencontrer des Algériens progressistes. On est très heureux de l'existence d'un front populaire en Tunisie. La révolution, c'est un processus. Les Tunisiens n'ont pas encore fini avec leur Constituante et toute une série de problèmes. Ils les règlent pacifiquement et font preuve d'un sang-froid extraordinaire. Je suis optimiste pour la révolution tunisienne. La Tunisie ne sombre pas dans le chaos. J'en reviens. La Grèce et l'Espagne sont bien plus dans le chaos que la Tunisie. Par conséquent, les Européens devraient baisser un peu le ton», a-t-il soutenu.

Interrogé sur la situation au Mali, Jean-Luc Mélenchon a estimé que la décision de la France d'intervenir militairement est discutable. «Je suis un citoyen français. J'ai posé des questions et j'attends les réponses. Quand je les aurais, je dirais si c'était une erreur ou pas. Avant de coller des étiquettes sur le sens de l'intervention, il y a des questions qu'un citoyen responsable doit se poser. La première est : au nom de quoi on agit ? Et j'ai constaté que les motifs de l'action ont changé à plusieurs reprises. Tantôt c'était une résolution de l'ONU (résolution 2085), tantôt c'était un article de la Charte de l'ONU (article 51), tantôt c'était une demande du gouvernement malien. Les deux premiers se sont avérés erronés et pour le troisième le gouvernement malien n'a aucune légitimité», a-t-il déclaré.

Selon lui, les objectifs de guerre au Mali sont également discutables. «On nous a dit qu'il fallait intervenir rapidement. La rapidité est un problème puisqu'elle a interdit l'existence d'un débat parlementaire. Dans une démocratie, la guerre ne peut être faite qu'avec un mandat parlementaire. Nous ne pouvions pas être pris par surprise dans un territoire (malien, ndlr) que nous connaissons depuis le ciel. Les Nord-Américains, qui ont des bases au Sahel, ont consacré des moyens énormes de surveillance. L'armée algérienne, qui est une armée professionnelle, a installé à Tamanrasset un état-major qui coordonne l'action des pays limitrophes pour garantir la sécurité», a-t-il souligné lors d'une discussion avec les journalistes.

Il a estimé que les buts de la guerre ont également changé. Au départ, il était question d'arrêter l'avancée d'une colonne de djihadistes. «Ensuite, on a dit qu'on fait la guerre au terrorisme. Le terrorisme, en matière militaire, est un concept inutile. Le terrorisme recouvre des réalités tellement différentes qu'on peut dire que le mot n'éclaire rien, mais obscurcit les problèmes. Et puis, on a appris qu'on veut libérer le nord du Mali. Au nom de qui ? Et à qui va-t-on remettre le nord du Mali ? La légitimité du gouvernement malien est très discutée», a relevé le député européen indiquant que la guerre au Mali coûte deux millions d'euros par jour. «Tout coûte cher sauf la guerre !», a-t-il lancé.

«Perte de temps»


Concernant les relations algéro-françaises, M. Mélenchon a relevé que des manques existent des deux côtés. «La vie des nations est également faite de contrats et d'accords. Si les Algériens ne sont pas contents de ces contrats, ils n'ont qu'à en signer d'autres. La République française doit y trouver son compte», a-t-il soutenu.
Il a plaidé pour une relation amicale et égalitaire. «Il y a une faible conscience de la communauté de destin en région méditerranéenne. Il y a aussi un poids de l'histoire mal géré. Je trouve cela désolant», a-t-il ajouté.

Pour lui, demander des excuses à la France pour les crimes commis durant la période coloniale est une perte de temps. «Ceci n'a pas de sens. C'est un subterfuge pour ne pas parler d'autres choses. C'est-à-dire les problèmes du moment auxquels nous sommes confrontés. Il y a des vrais chocs d'intérêt. La France est aussi moi. Et moi, je n'ai martyrisé personne. Une partie des habitants de la France sont des binationaux, de jeunes Français qui ont des problèmes assez compliqués pour les deux pays en même temps. Vous n'allez pas demander à vos enfants ou à vos petits-enfants de venir s'excuser», a-t-il déclaré en réponse à une question d'un journaliste. En conférence, il a assimilé la période coloniale française en Algérie à une guerre civile.

lundi 11 février 2013

Algérie : une nouvelle marée noire pollue les côtes de Skikda

Par Khider Ouahab, à propos de la fuite dans les installations de la plateforme pétrochimique Sonatrach
El Watan, 08/02/13

Une fuite dans les installations de la plateforme pétrochimique a provoqué l'apparition d'une nappe de brut à quelques dizaines de mètres des plages de Skikda. Alors que les autorités déclarent que l'incident est clos, les pêcheurs affirment que la fuite continue et que la marée noire s'aggrave.

Depuis la plage du Titanic, on aperçoit une grande nappe noire. A une cinquantaine de mètres de la côte, elle s'étend sur plus d'un kilomètre. Bien plus loin, au large, deux taches rouges, les stations de pompages des sea-lines de la plateforme pétrochimique de la ville. C'est de là que provient le pétrole qui pollue la baie de Skikda. A l'origine, ces plateformes rouges, servaient aux bateaux bien trop grands pour s'approcher de la côte. Ils pouvaient ainsi pomper le pétrole via de gros tubes, que l'on appelle sea-line. Mais depuis plus d'un an, les sea-lines ne sont plus utilisés.

Selon les associations, les intempéries ont secoué les installations, une fissure a fini par apparaître et le pétrole se serait écoulé dans la mer, provoquant une marée noire. Car malgré l'arrêt de l'exploitation, le pétrole présent dans les sea-lines n'a pas été pompé. Dans le port de pêche de Stora, c'est le désespoir. «La nappe est très grande, elle fait environ 150 mètres de large», indique le patron d'un sardinier. Emmitouflé dans un anorak bleu marine, bonnet vissé sur la tête, un marin est exaspéré : «On ne peut rien pêcher. Avec ce pétrole, nos sondeurs ne peuvent pas repérer les bancs de poissons. Et même si on lançait les filets, tout ce que je pourrais remonter sera imbibé de brut».

L'agacement est général. Un sardinier vient de rentrer. Sur le pont, pas de poisson, mais un énorme bidon de 20 litres, remplit d'un liquide noir. Les marins se sont regroupés. «Ça continue de fuir. Quand on est à côté, il y a une forte odeur, c'est difficile de respirer !» Ils ont rapporté un peu de pétrole dans une bouteille en plastique pour la montrer, le lendemain, aux fonctionnaires du ministère, qu'ils doivent rencontrer. Un marin sort son téléphone portable. Il fouille à travers le journal des appels et montre au groupe qu'il a appelé la capitainerie et les autorités compétentes dès qu'il a aperçu la nappe. Rien n'a été fait. En une semaine, la nappe s'est étendue. En face du port, de l'autre côté de la baie, une immense cheminée laisse s'échapper des flammes. La fumée noire se voit à plusieurs dizaines de kilomètres.

Colère

C'est la plateforme pétrochimique de Skikda, l'objet de la colère des marins. «Depuis l'installation de la plateforme, nous devons respecter de plus en plus de règles pour pêcher. Mais eux, ne respectent rien !», s'emporte un sardinier. Hocine Bellout, président du Comité national des marins pêcheurs, est en colère. «En 2007, un navire iranien a endommagé un sea-line, et 500 m3 de pétrole se sont déjà déversés sur la même côte. C'est la 7e fois que cela arrive. La direction parle d'accident technique, mais ça a trop duré !» En 2008, une fuite se produit lors du chargement d'un tanker, navire transportant le pétrole, chypriote. Des centaines de litres sont déversés dans la mer. Ces accidents à répétition ont un impact sur la pêche. Selon les associations, les bateaux ramènent moitié moins de poisson.

«Le brut tue le poisson, la faune et la flore. Il n'y a plus d'oursins, plus de moules sur cette côte. Sonatrach est en train de polluer les côtés algériennes. On est face à une catastrophe écologiste et personne ne lève le petit doigt !», s'emporte Hocine Bellout. Les responsables de STH, l'entreprise qui gère la plateforme, affirment avoir réagi en propageant du dispersant. Une autre technique qui consiste à utiliser des sortes de buvard absorbant le pétrole. «Les buvards utilisés sont périmés. Du coup, ils coulent et restent au fonds de la mer. La pollution n'est plus visible mais elle est bien là», raconte Hocine Bellout. Mais les risques sur la santé sont encore plus grands. «Dans quelques années, les cancers se multiplieront», assène un militant écologiste d'Alger.

En cause, toujours cette plateforme, que la population ne peut ni approcher, ni prendre en photo et dont les responsables restent en poste, malgré les incidents. «Que peut-on faire ? Rien. Absolument rien. Nous sommes condamnés à nous baigner dans une mer polluée, à manger du poisson toxique et à respirer de l'air impropre», soupire un habitant.
 
Ce que dit la direction de l'environnement

Les quantités de fuel qui se sont déversées du flexible qui relie le sea-line à un bras de chargement du port pétrolier ne dépassent pas «les 100 litres», selon M. Belguidoum, directeur de l'environnement de la wilaya de Skikda. «Nous avons constaté sur place que la quantité de fuel qui s'échappait du flexible était très minime et ne représente en fait que des restes d'hydrocarbures qui se trouvaient contenus dans le flexible du sea-line, à l'arrêt depuis deux années déjà. Nous avons également relevé que la cadence du fuel qui remontait à la surface à partir du flexible, qui se trouve à plus 20 m de profondeur, était de quelques gouttes toutes les demi-heures», ajoute-t-il.

Quant aux répercussions de cette fuite sur le milieu marin, le directeur estime qu'elles sont «nulles». «Les traces de fuel ont été aperçues vendredi dernier vers 10h. Un dispositif  d'intervention a aussitôt été mis en place avec le concours des moyens de la Société des terminaux pétroliers (STP), propriétaire des sea-lines, de l'entreprise portuaire ainsi que des garde-côtes. L'opération de dépollution a été engagée et a consisté à déverser du dispersant sur le fuel. A 18h, toute la surface concernée par les traces de fuel a été totalement dépolluée.»

Ce que dit Sonatrach

La pollution a été occasionnée par une «petite brèche décelée au niveau d'une canalisation», a affirmé un cadre de Sonatrach sous le couvert de l'anonymat. Cette canalisation qui relie deux plateformes de la société de transport des hydrocarbures, filiale de Sonatrach, est à l'arrêt depuis un certain temps pour accélérer sa vidange, avant d'entreprendre les travaux de rénovation. «C'est ce qu'il reste dans les canalisations qui est en train d'être rejeté en mer, souligne le cadre de l'entreprise. Les quantités déversées sont moindres que ce que la presse affirme.»

Par ailleurs, un barrage flottant a été mis en place pour circonscrire la pollution. «Cela fait partie du plan d'action habituel que nous mettons en place en cas de fuite de carburant en mer. Nous utilisons en parallèle des dispersants qui permettent une dégradation rapide des molécules.» Le complexe de Skikda a déjà subi une série d'incidents, notamment une explosion sur une plateforme, qui a provoqué de sérieux dégâts dans le complexe gazier.

mercredi 6 février 2013

Exploration de gaz de schiste en Algérie : les députés algériens apportent leur soutien

N. B., à propos de la proposition du gouvernement algérien sur l'exploration du gaz de schiste du pays
Le Temps d'Algérie, 09/01/13

Un consensus semble être trouvé chez la classe politique à propos de la proposition faite par le gouvernement sur l'exploration du gaz de schiste en l'Algérie.

C'est du moins ce qui ressort des interventions, hier, des députés à l'APN à l'occasion du débat sur le projet de loi relatif aux hydrocarbures. «Après avoir écouté les spécialistes de la question et les responsables du ministère de l'Energie, je crois que l'Algérie peut entamer l'exploration de cette énergie non conventionnelle vu que toutes les mesures et précautions ont été prises sur l'impact de cette utilisation sur l'environnement, la santé, la recherche et autres», nous a affirmé Bakir Mohamed Kara, député RND.

Pour lui, «l'Algérie peut avancer à l'aise dans ce projet d'autant qu'il est retenu pour le long terme et non pour l'immédiat». Cette même option a été également défendue par le FLN, l'Alliance de l'Algérie verte (AAV) et le PT dont les députés ont salué cette initiative sans montrer aucune réserve à l'égard de ce projet proposé par Youcef Yousfi, ministre du secteur, présent lors des débats. «Nous sommes contre ces voix qui s'élèvent et parlent de l'impact catastrophique de l'utilisation de gaz de schiste sur l'environnement.

Les États-Unis, puissance mondiale et premier utilisateur de cette nouvelle énergie, comptent déjà des milliers de gisements de cette énergie non renouvelable. Evoquer la protection de l'environnement est une carte qu'on utilise pour dissuader les pays à ne pas utiliser cette énergie, histoire de préserver le monopole sur le marché international», dira Djeloul Djoudi, du Parti des travailleurs.

«On n'a pas le droit de sceller les mains de l'Etat qui cherche à préserver les ressources énergétiques du pays», a dit Ramdan Tazibt, député de la même formation politique. Le PT a salué les dispositions de cette nouvelle loi qui a «consacré et maintenu la règle 51-49 de partenariat économique en Algérie». «La règle 51-49 consacre le monopole de Sonatrach sur le transport de l'énergie, ce qui est un acquis considérable», dira M. Djoudi.

«L'Algérie a ainsi résisté devant les pressions étrangères exercées pour revenir sur cette règle d'investissement et cela nous garantit une sécurité énergétique», a ajouté M. Tazibt. Le seul refus enregistré dans ce domaine concerne celui du parti islamiste le Front de la justice et du développement (FJD) présidé par Abdellah Djabellah.

«Nous rejetons l'article 23 bis de cette loi sur l'exploration du gaz de schiste compte tenu des conséquences hydrologiques et hydrogéologiques désastreuses. Cette exploration va porter atteinte au plus grand réservoir d'eau de l'Algérie et de l'Afrique et va investir des montants faramineux sur ce projet», a affirmé un député de ce parti.

Les autres intervenants sont revenus sur les pénuries répétitives de carburants, l'absence d'un programme fixe de maintenance des unités d'exploration des hydrocarbures et de l'exportation de carburants par l'Algérie. Certains ont proposé la révision de la fiscalité pétrolière, notamment vis-à-vis des collectivités locales.

Un député du FLN s'est interrogé sur les suites de l'affaire des détournements de fonds de Sonatrach où sont impliquées les responsables de la firme italienne Saipem. «Une enquête judiciaire a été diligentée en Italie mais qui n'a été pas été suivie par une autre enquête en Algérie», a-t-il dit. Le député s'est aussi interrogé sur ce scandale qui a vu le versement de commission de l'ordre de 180 millions de dollars à travers des banques étrangères en Algérie. Un autre député de l'AAV a demandé à s'intéresser de «plus près» aux autres scandales ayant secoué le secteur des hydrocarbures.

lundi 28 janvier 2013

«On continue toujours à pêcher à l’explosif», Hocine Bellout, président du Comité national des marins pêcheurs

Lyès Mechti, à propos de la diminution de la ressource halieutique en Algérie
El Watan, 27/01/13

- Pourquoi le poisson manque-t-il sur les côtes algériennes ?

La réponse est simple : nous avons des marins pêcheurs sans foi ni loi qui ne respectent aucune réglementation. Ils pêchent dans n'importe quelle zone, en utilisant tous les moyens à leur portée, comme les filets interdits ou encore la dynamite. En plus de la pollution, le résultat ne peut être que catastrophique. Le poisson est aujourd'hui en train de quitter les côtes algériennes. La sardine, qui était abondante à un certain temps, est devenue l'une des 11 espèces menacées.
Mais il faut dire que la pollution, qui s'aggrave d'année en année, constitue le facteur numéro 1. Il y a aussi d'autres raisons qui entrent en jeu, notamment le non-respect des périodes de repos biologique ou encore l'extraction anarchique du sable des côtes et le pillage du corail.      

- Quels sont les endroits les plus touchés par la pollution ?

 
Ce sont les 1284 kilomètres de côtes marines qui sont tous entièrement pollués. A l'ouest, nous avons le complexe d'Arzew, au centre celui d'El Harrach, et à l'Est celui de Skikda. Annaba est devenue la ville côtière la plus polluée. Les rejets biologiques constitués de métaux lourds, de graisses et d'huiles, rejetés par tous ces complexes, ont grandement nui à la biomasse marine. Nous avons constaté, par exemple, qu'il n'y a plus d'oursins sur les rochers des côtes, de moules ou de fruits de mer. C'est un des symptômes qui prouve que les côtes algériennes sont polluées, parce que ce sont les espèces les plus sensibles à la pollution.

- Y a-t-il des marins qui continuent à pêcher à l'explosif ?

A l'ouest, on continue toujours à utiliser la dynamite. Le phénomène a certes diminué ces dernières années, mais beaucoup de pêcheurs y ont recours. Mais il n'y a pas que ça. Il y a aussi l'utilisation des filets dérivants, des filets invisibles, à cordes et des filets pélagiques et semi-pélagiques qui sont tous interdits par la loi. L'Algérie est signataire de la Convention de Barcelone sur la protection du milieu marin et du littoral de la Méditerranée.
Il n'en demeure pas moins que rien n'est fait pour protéger nos côtes. Plusieurs espèces de mammifères marins dont des dauphins sont régulièrement capturées. Il y a quatre ans, environ 35 dauphins ont été capturés tout le long de nos côtes. On dit que le poisson se fait rare, mais c'est nous, les gens de la profession, qui en sommes la cause.

- Les pêcheurs en sont responsables, mais le contrôle ne serait-il pas défaillant aussi ?
 

Nous avons, depuis 2005, demandé la création d'une police de la pêche pour renforcer le contrôle. Jusqu'à présent, nous n'avons rien vu venir. On nous dit que ces policiers sont en formation, mais jusqu'à quand ?
 
- Vous avez maintes fois attiré l'attention des autorités sur cette situation. Quelle a été, jusqu'ici, leur réaction ? 

Avant l'arrivée du nouveau ministre en charge du secteur, personne ne se souciait de la situation. Maintenant, nous avons pu avoir des rencontres de travail avec le ministre qui nous a promis de prendre en charge tous les problèmes qu'on lui a soumis. Il nous a avoué qu'à son arrivée, il a trouvé le secteur dans une situation catastrophique. Mais sur le terrain, il y a des directeurs de la pêche qui ne font pas leur travail. A Tipasa, par exemple, pour qu'un marin se fasse délivrer sa «carte bleue», il a fallu que je sollicite l'intervention de responsables au ministère.

- Qu'en est-il de la commercialisation des produit de la pêche ?

 
Si vous vous rendez dans n'importe quelle pêcherie, vous allez constater qu'à 4 heures du matin, le poisson qui se vend à l'extérieur est plus important que celui qui se vend à l'intérieur des pêcheries. C'est le commerce informel et illégal qui y règne, avec toutes les infractions qu'on peut imaginer : non-respect de la chaîne du froid, non-respect des tailles marchandes, utilisation de caisses en bois, etc.

- Vous avez parlé à un certain moment de l'existence d'une mafia qui gangrène le secteur. Qu'en est-il au juste ?
 
Oui. C'est une mafia bien organisée, bien équipée et bien financée, qui a pris le monopole du commerce de la pêche en Algérie, mettant ainsi en danger la faune marine. Ce sont des gens qui n'ont ni registre du commerce ni fascicule, mais qui ont accès aux ports le plus normalement du monde. Ils fixent à leur gré le prix du poisson et spéculent sur le produit. Ils n'hésitent pas à mettre sur le marché de la sardine pêchée illégalement d'une taille qui varie de 5 à 9 cm, alors que la taille autorisée est de 11 cm. En Europe, la taille autorisée a été augmentée à 14 cm, en raison de la baisse des ressources.
 
- Selon vous, il faut commencer par quoi pour mettre à niveau ce secteur ?


Nous avons toujours dit qu'il faut commencer par la prise en charge de la situation sociale des marins pêcheurs. Le statut des marins pêcheurs n'est toujours pas établi, alors que c'est une condition nécessaire pour améliorer les conditions de vie et de travail de la corporation. Il faudrait ensuite renforcer le contrôle à travers les 31 ports de pêche. Nous devons également arrêter de mentir sur les statistiques et chiffres qu'on donne aux responsables. L'Algérie ne produit que 73 000 tonnes de poisson par an, alors que les chiffres officiels parlent de 187 000 t/an. Au Maroc, la production atteint 1,5 million t/an et en Tunisie 650 000 t/an.