lundi 26 décembre 2016

Récif artificiel : L’Algérie à la traîne

Une technique pour restaurer la biodiversité marine là où elle a disparu. L’Algérie est de loin le dernier pays de la Méditerranée. A partir de janvier, des associations avertissent qu’une opération d’immersion de récifs se déroulera sans attendre les autorisations.
On ne s’est pas encore mis d’accord pour une définition consensuelle du «Récif artificiel». Les différences apparaissent dès qu’on tente de donner une fonction particulière à cette «structure immergée volontairement dans le but de créer, protéger ou restaurer un écosystème riche et diversifié» qui semble être la représentation la plus largement admise.

Le Japon est la patrie des récifs artificiels. Ils y ont vu le jour au Moyen-Age sous la forme de structures de bambou mis en place par les pêcheurs et le Japon est aujourd’hui leader mondial avec 20 millions de mètres cubes de récifs immergés, ce qui représente 12% du plateau continental de ce pays. En 1650, ce pays se lance dans la réalisation de véritables récifs artificiels. En 1952, C’est l’Etat japonais qui finance des programmes de récifs. L’expérience japonaise a aujourd’hui essaimé dans le monde.

Ainsi, des récifs artificiels ont vu le jour dans de nombreux pays d’Europe (ex-URSS), aux Etats-Unis dans les années (1960), en Grande-Bretagne (1989), en Italie (années 1970), en France (1969), en Espagne (1989). En France, c’est essentiellement sur la façade méditerranéenne depuis 1983 qu’ils se sont développés. Les récifs artificiels tirent leur origine de l’attirance des poissons pour toutes sortes d’épaves qui se sont recouvertes de toutes sortes de végétaux et de mollusques qui leur procurent de la nourriture et des frayères. Les pêcheurs l’ayant depuis toujours observé, ils l’ont mis à profit pour améliorer leurs pêches.

Les récifs sont faits avec toutes sortes de matériaux, mais de plus en plus avec du béton. Les Etats-unis, pour leur part, ont mis à profit leurs nombreuses plateformes pétrolières désaffectées. Ils peuvent être de structure et de dimensions et de coût différents selon la fonction qui leur est attribuée, comme la pêche plaisancière et récréative ou la plongée éducative ou encore comme chicanes pour protéger les zones de chalutage surexploitées.

Au sud de la Méditerranée, le Maroc, la Tunisie et la Libye, encore aujourd’hui malgré tout ce qui s’y passe, ont d’ambitieux programmes d’immersion. L’Algérie est la dernière. Rien de comparable non plus avec l’Egypte qui est loin devant. Les récifs volontairement immergés chez nous pour la conservation de la biodiversité - il y a de nombreuses épaves d’embarcation coulées pour s’en débarrasser - se comptent sur les doigts d’une seule main, bien que leur fabrication soit aisée et peu onéreuse.

Un communiqué de Probiom (Réseau algérien de la protection de la biodiversité marine), un collectif de 10 associations de Annaba, Skikda, Béjaïa, Alger, Tipasa et Mostaganem, et dans un barrage à Sidi Bel Abbès, nous apprend que l’Algérie est de loin le dernier pays de Méditerranée à accorder de l’intérêt aux récifs artificiels.

Une technique pour restaurer la biodiversité marine là où elle a disparu. Devant l’inertie des pouvoirs publics dans la mise œuvre d’un projet multilatéral qui a pris du retard, Probiom avertit que le 1er janvier 2017, une opération d’immersion de récifs se déroulera sans attendre les multiples autorisations que nécessite un seul d’entre eux.

Cette décision a été prise à l’issue d’une réunion le 30 novembre à la direction des pêches et des ressources halieutiques d’Alger en présence des représentants des associations et des ministères concernés (Pêches, Environnement, Défense nationale), ainsi que des invités, à savoir le ministère des Affaires étrangères et des organismes scientifiques (CNRDPA, ENSSMAL, CNL, université de Annaba).

La pose sur le fond, ou flottant entre deux eaux, d’un récif artificiel crée un milieu qui sera colonisé par des organismes qui n’étaient pas présents sur le site. Des végétaux et animaux marins qui vont donner la production primaire du récif ; les moules ou les huîtres, des éponges, etc., consommées par de petits poissons vivant en étroite relation avec le récif.

Ensuite, à leur tour, ces derniers vont servir de proies à d’autres poissons plus gros qui eux ne sont pas liés au récif. Ces espèces peuvent également s’y abriter pour échapper à leurs prédateurs dans les nombreuses cachettes qu’offre le récif artificiel qui va devenir leur lieu de ponte et une nursery pour les juvéniles. Cette structure est utilisée en premier pour enrichir la biodiversité d’une zone et par la même occasion augmenter la productivité d’un site appauvri.

A terme, on peut y alors pêcher pour la commercialisation ou les loisirs. Les récifs sont très souvent employés, la protection des territoires de pêche existants. Les chaluts de fond sont interdits dans la bande 3 et pour garantir la protection de cette zone vitale pour la reproduction des poissons, les récifs artificiels sont immergés pour dissuader les chalutiers d’y pénétrer. Plus stratégiquement, la création des ZEE (Zones exclusives économiques) est devenue un enjeu territorial entre les pays et les récifs sont utilisés comme balises géographiques.

Cependant, tout le monde ne s’accorde pas, surtout dans les milieux scientifiques, sur l’efficacité annoncée des récifs qui n’est pas vérifiée. «Les exemples de validation des impacts de ces aménagements sur la faune et le milieu sont rares. La démonstration des effets recherchés reste souvent partielle, limitée à quelques espèces et/ou restreinte à l’environnement immédiat des structures immergées», note l’Ifremer dans un rapport sur l’état des connaissances sur les récifs artificiels.

Slim Sadki
El Watan