mardi 19 février 2013

Pillage du corail à El Kala : comment lutter contre les réseaux transnationaux ?

Naima Benouaret, à propos du trafic du corail et des moyens mis en œuvre par la wilaya d'El Tarf pour lutter contre ce phénomène
El Watan, 16/02/13

Le trafic du corail atteint des proportions qui appellent une réaction plus énergique des pouvoirs publics. La nouvelle et jeune équipe, fraîchement installée à la tête des services de sûreté de wilaya d'El Tarf, semble déterminée à contrer les réseaux de plus en plus organisés et voraces. Elle est animée d'une grande volonté de s'attaquer au vrai mal, celui de la contrebande à grande échelle, et projette de mobiliser de gros moyens humains, logistiques et techniques pour la traduire sur le terrain.

La pêche illicite et la contrebande du corail sont au cœur des priorités. Des instructions fermes ont été données par notre hiérarchie pour mener une lutte sans merci contre ce phénomène qui, faut-il le reconnaître, a pris ces derniers temps une ampleur sérieuse», a indiqué le commissaire, Karim Labidi, chef de la cellule de communication. Pour lui, c'est contre de véritables groupes criminels organisés transnationaux, composés d'Algériens, Tunisiens et Italiens, qu'il est question de lutter. En se frottant à leurs pairs de la mafia du corail de Naples, l'une des plus puissantes au monde, les trafiquants locaux se sont, en effet, initiés aux pratiques mafieuses les plus modernes et sophistiquées, explique-t-il, ajoutant : «Ils ont fait de la paisible ville touristique d'El Kala le carrefour du grand trafic, la nouvelle route du crime, où se mêlent, désormais, trafic de drogue, prostitution et grande délinquance et nous ferons tout pour les identifier et mettre un terme à leurs agissements.»

Les revenus drainés par le commerce illicite du corail sont, en effet, si importants et les tentations telles que même des médecins, des avocats, des commerçants et des jeunes promoteurs ayant bénéficié des dispositifs d'emploi (CNAC, Ansej) ont décidé de mettre la main à la pâte, déplore le responsable. Selon lui, les 92 kg de corail saisis, les 17 personnes interpellées et la vingtaine d'affaires traitées en 2012 ne sont que le début de la vaste campagne lancée par ses services ainsi que ceux de la Gendarmerie nationale qui, pour sa part, a saisi près de 120 kg, pour combattre avec efficacité le phénomène. «Outre la répression, nous avons été instruits par le DGSN et le chef de sûreté de wilaya de multiplier les actions de sensibilisation auprès des populations, notamment la jeunesse, sur les méfaits au triple plan économique, environnemental et sociétal induits, par le phénomène.

Dans un contexte où la criminalité ignore les frontières, il est indispensable d'avoir une approche globale de la lutte contre la criminalité et de renforcer la coopération, en particulier entre les instances judiciaires répressives, sans oublier la société civile qui a un important rôle à jouer. Pour nous, la lutte contre la criminalité organisée, sous toutes ses formes, est un des défis majeurs à relever.» Du côté des gardes-côtes, les plus concernés, c'est le black-out. Le chef de la station maritime principale de Annaba s'est refusé à toute déclaration : «Nous ne sommes pas autorisés à faire des déclarations à la presse. Faites-nous un écrit officiel que nous allons adresser à nos supérieurs de la région qui vont, à leur tour, saisir leurs chefs hiérarchiques à Alger. Et ça risque de prendre beaucoup de temps.» C'est à croire que la pêche illicite du corail relève du… secret d'Etat.

Pour un ex-haut responsable des Douanes, actuellement à la retraite, «le trafic du corail est un domaine très complexe et sensible. Son interconnexion avec le trafic de drogue est aujourd'hui établie, il est sous le contrôle de personnes très puissantes que nul n'arrive à identifier ni à toucher», et de s'interroger : «Que représentent 200 kg saisis en 2012 par les policiers et les gendarmes d'El Tarf, sachant que des milliers d'embarcations sont déployées chaque jour par les groupes criminels dans la pêche illicite, si ce n'est des miettes. Nos ressources sont inestimables, à ma connaissance, les plus grandes au monde ?» Formel, notre interlocuteur, qui a eu à gérer les postes-frontières sensibles, points de passage privilégiés des réseaux contrebandiers – Bouchebka (Tébessa), El Hdada (Souk Ahras), Oum T'boul et El Ayoun (El Tarf) – lâchera : «En Algérie, tout le monde sait que si une affaire éclate au grand jour, ce sont les petits trafiquants qui servent de boucs émissaires.

Au-delà, les protections jouent, influant sur le fonctionnement des services de répression, tous corps confondus. En observant la stratégie du grand trafic et de la grande fraude, durant ma longue carrière, j'avais l'impression qu'un certain état d'esprit était entretenu à la base pour mieux justifier les excès du sommet. En d'autres termes, le système mis en place dans notre pays permet de faire rendre gorge aux petits trafiquants et de transiger avec doigté lorsqu'il s'agit des grands.» Et c'est justement aux infranchissables remparts dressés pour protéger ces derniers, que risquent de se heurter les jeunes policiers, gendarmes ou douaniers dans leur lutte contre le trafic et la contrebande du corail en Algérie. Car l'enjeu n'est pas des moindres : les profits engrangés s'élèvent à plus de 5 milliards de dinars pour les trafiquants nationaux et à des dizaines de millions d'euros pour leurs partenaires en Tunisie et en Europe.

jeudi 14 février 2013

Jean-Luc Mélenchon, leader du front de gauche : appel pour «s’opposer» à l’exploitation du gaz de schiste en Algérie

Fayçal Métaoui, à propos de l'opposition de Jean-Luc Mélenchon à l'exploitation du gaz de schiste en Algérie
El Watan, 14/02/13

Il paraît qu'on va exploiter le gaz de schiste chez vous.

Et ce sont les Français qui vont le faire. Moi, ça ne me plairait pas. Comme citoyen du même écosystème méditerranéen, je vous demande respectueusement : s'il vous plaît, opposez-vous à ça ! Il n'y a pas seulement la fracturation hydraulique qui permet l'extraction du gaz de schiste qui est dangereuse. Il ne faut pas extraire les gaz de schiste. Il faut s'obliger à développer l'inventivité, les machines et les moyens qui nous permettent de nous passer du gaz de schiste et des énergies carboniques. Nous savons le faire. Quelle est la limite à l'intelligence humaine ? Il n'y en a pas», a plaidé Jean-Luc Mélenchon, lors d'une conférence animée mardi soir à l'Institut français d'Algérie (IFA) à Alger, à la faveur d'une tournée maghrébine sur le thème «L'éco-socialisme, un nouvel horizon pour le XXIe siècle». Le leader français du Front de gauche faisait allusion à un contrat signé après la visite du président François Hollande à Alger sur l'exploitation du gaz non conventionnel en Algérie. «Nous nous opposons à l'exploitation du gaz de schiste en France. Exploitation qui pourrait faire de nous une Arabie Saoudite du gaz de schiste, selon Michel Rocard. Et, bien, nous, on ne veut pas devenir l'Arabie Saoudite. Rocard a toujours été exotique !

Le refus de cette exploitation n'est pas une décision politique facile à prendre. En Equateur, les camarades ont décidé de ne pas extraire le pétrole. Une décision unique au monde. C'est une manière d'économiser à l'humanité une certaine masse de CO2 qui ne sera pas émise. Dans ces conditions, les Equatoriens attendent de l'humanité de prendre une partie des coûts induits par cette décision. A cet effet, un fonds a été ouvert au niveau de l'ONU», a-t-il appuyé. Lors d'une rencontre avec la presse après la conférence, M. Mélenchon a soutenu : «Je ne suis pas d'accord sur le contrat signé entre Français et Algériens sur les gaz de schiste. Cela dit, nous n'avons forcé personne à le faire. Il y a bien deux autorités légitimes qui l'ont fait.» Le Front de gauche propose, selon lui, une thèse sur le renouveau de la pensée progressiste appelée «éco-socialisme». A ce propos, un sommet mondial est prévu à Quito, en Equateur. «Il s'agit du Forum mondial de la révolution citoyenne. Après Rome, Londres et Tunis, c'est à Alger que je viens proposer quelque chose qui sort de l'ordinaire de la politique. L'éco-socialisme ne nie pas les anciennes doctrines progressistes. Il les reformule en les contextualisant. Car, souvent, le discours progressiste semble figé alors que tout a changé dans le bon sens. Je ne suis pas un homme politique qui peint noir sur noir», a-t-il souligné devant un public nombreux.

D'après lui, l'humanité est en proie à des bifurcations anthropologique, écologique et autres. «Le mot bifurcation remplace celui de révolution. Manié dans tous les sens, ce mot a fini par ne rien pouvoir dire», a ajouté cet adepte du «matérialisme historique».
Pour étayer son propos et situer les enjeux, Jean-Luc Mélenchon a cité des chiffres actuels : 7 milliards d'êtres humains, 60% de la population mondiale vit en ville (66% pour l'Algérie), 80% des humains savent lire et écrire (77% en Algérie), 60% des femmes accèdent à la contraception (2,5 enfants par femme en Algérie), 30% de la population mondiale accède à internet (13% en Algérie), 450 millions d'habitants autour de la Méditerranée, 50 centimètres d'élévation du niveau de la mer dans cent ans… «Cette humanité nombreuse est à une nouvelle étape de sa socialisation. Il y a un accès à un savoir global gigantesque. Nous sommes des êtres de culture (…) L'individuation des rapports sociaux n'est pas en contradiction avec l'accélération de la socialisation», a-t-il observé.

Les gens de gauche doivent, d'après lui, modifier leurs points de vue sur la question écologique. «L'écologie est un défi concret, ce n'est pas une question idéologique. Il y a un seul écosystème compatible avec la vie humaine. Un système entré dans une grave perturbation, c'est celle du climat. Si nous voulons mettre un terme au dérèglement climatique, nous devons sortir des énergies charbonnées. C'est un défi politique extraordinaire. Ce n'est pas le retour à la bougie. Il faut continuer à faire vivre notre société avec d'autres méthodes. C'est pour cela que l'éco-socialisme est un défi intellectuel et technique. Cela veut dire une transformation profonde des processus de production et des modes de consommation», a-t-il relevé, critiquant le système publicitaire qui crée les «frustrations». Pour lui, l'air et l'eau purs relèvent de l'intérêt général humain.

«Domestication collective par la peur»

Il a analysé ensuite la financiarisation de l'économie assimilée à un mur. Il a démarré de l'abandon par les Etats-Unis de l'équivalent matériel (l'or) au dollar à partir des années 1970. «Pour nous, une monnaie décrochée de la valeur matérielle n'existe pas. Eh bien, cette monnaie a existé, c'est le dollar ! On a imprimé par milliards le papier-monnaie créant un effet de thrombose. La libéralisation du mécanisme global de la finance a fait que l'argent s'est mis à produire de l'argent comme si cela était possible. Aujourd'hui, 4000 milliards de dollars circulent par jour. Cent fois plus que la valeur des biens qui sont produits (…) Le jour où ce système se purgera, les Etats-Unis s'effondreront. Le capitalisme d'aujourd'hui est marqué par la finance «transnationalisée. Dans les entreprises, l'argent va plus au dividende qu'à l'investissement», a-t-il noté mettant en garde contre «un pillage aggravé» sur la base «d'un dumping social généralisé». Selon lui, il existe une organisation générale de la précarité ou «le précariat». «Cela va du marchand de fleurs dans la rue à l'ingénieur.

On parle de CDD, de contrat de projet… Des personnes de haut de niveau, des bac + 10, sont prises comme des travailleurs à la tâche ! Chaque jour, elles se demandent si elles vont avoir du travail la semaine d'après. C'est un système de domestication collective par la peur», a-t-il souligné. «Je suis un Français de gauche qui vient rencontrer des Algériens progressistes. On est très heureux de l'existence d'un front populaire en Tunisie. La révolution, c'est un processus. Les Tunisiens n'ont pas encore fini avec leur Constituante et toute une série de problèmes. Ils les règlent pacifiquement et font preuve d'un sang-froid extraordinaire. Je suis optimiste pour la révolution tunisienne. La Tunisie ne sombre pas dans le chaos. J'en reviens. La Grèce et l'Espagne sont bien plus dans le chaos que la Tunisie. Par conséquent, les Européens devraient baisser un peu le ton», a-t-il soutenu.

Interrogé sur la situation au Mali, Jean-Luc Mélenchon a estimé que la décision de la France d'intervenir militairement est discutable. «Je suis un citoyen français. J'ai posé des questions et j'attends les réponses. Quand je les aurais, je dirais si c'était une erreur ou pas. Avant de coller des étiquettes sur le sens de l'intervention, il y a des questions qu'un citoyen responsable doit se poser. La première est : au nom de quoi on agit ? Et j'ai constaté que les motifs de l'action ont changé à plusieurs reprises. Tantôt c'était une résolution de l'ONU (résolution 2085), tantôt c'était un article de la Charte de l'ONU (article 51), tantôt c'était une demande du gouvernement malien. Les deux premiers se sont avérés erronés et pour le troisième le gouvernement malien n'a aucune légitimité», a-t-il déclaré.

Selon lui, les objectifs de guerre au Mali sont également discutables. «On nous a dit qu'il fallait intervenir rapidement. La rapidité est un problème puisqu'elle a interdit l'existence d'un débat parlementaire. Dans une démocratie, la guerre ne peut être faite qu'avec un mandat parlementaire. Nous ne pouvions pas être pris par surprise dans un territoire (malien, ndlr) que nous connaissons depuis le ciel. Les Nord-Américains, qui ont des bases au Sahel, ont consacré des moyens énormes de surveillance. L'armée algérienne, qui est une armée professionnelle, a installé à Tamanrasset un état-major qui coordonne l'action des pays limitrophes pour garantir la sécurité», a-t-il souligné lors d'une discussion avec les journalistes.

Il a estimé que les buts de la guerre ont également changé. Au départ, il était question d'arrêter l'avancée d'une colonne de djihadistes. «Ensuite, on a dit qu'on fait la guerre au terrorisme. Le terrorisme, en matière militaire, est un concept inutile. Le terrorisme recouvre des réalités tellement différentes qu'on peut dire que le mot n'éclaire rien, mais obscurcit les problèmes. Et puis, on a appris qu'on veut libérer le nord du Mali. Au nom de qui ? Et à qui va-t-on remettre le nord du Mali ? La légitimité du gouvernement malien est très discutée», a relevé le député européen indiquant que la guerre au Mali coûte deux millions d'euros par jour. «Tout coûte cher sauf la guerre !», a-t-il lancé.

«Perte de temps»


Concernant les relations algéro-françaises, M. Mélenchon a relevé que des manques existent des deux côtés. «La vie des nations est également faite de contrats et d'accords. Si les Algériens ne sont pas contents de ces contrats, ils n'ont qu'à en signer d'autres. La République française doit y trouver son compte», a-t-il soutenu.
Il a plaidé pour une relation amicale et égalitaire. «Il y a une faible conscience de la communauté de destin en région méditerranéenne. Il y a aussi un poids de l'histoire mal géré. Je trouve cela désolant», a-t-il ajouté.

Pour lui, demander des excuses à la France pour les crimes commis durant la période coloniale est une perte de temps. «Ceci n'a pas de sens. C'est un subterfuge pour ne pas parler d'autres choses. C'est-à-dire les problèmes du moment auxquels nous sommes confrontés. Il y a des vrais chocs d'intérêt. La France est aussi moi. Et moi, je n'ai martyrisé personne. Une partie des habitants de la France sont des binationaux, de jeunes Français qui ont des problèmes assez compliqués pour les deux pays en même temps. Vous n'allez pas demander à vos enfants ou à vos petits-enfants de venir s'excuser», a-t-il déclaré en réponse à une question d'un journaliste. En conférence, il a assimilé la période coloniale française en Algérie à une guerre civile.

lundi 11 février 2013

Algérie : une nouvelle marée noire pollue les côtes de Skikda

Par Khider Ouahab, à propos de la fuite dans les installations de la plateforme pétrochimique Sonatrach
El Watan, 08/02/13

Une fuite dans les installations de la plateforme pétrochimique a provoqué l'apparition d'une nappe de brut à quelques dizaines de mètres des plages de Skikda. Alors que les autorités déclarent que l'incident est clos, les pêcheurs affirment que la fuite continue et que la marée noire s'aggrave.

Depuis la plage du Titanic, on aperçoit une grande nappe noire. A une cinquantaine de mètres de la côte, elle s'étend sur plus d'un kilomètre. Bien plus loin, au large, deux taches rouges, les stations de pompages des sea-lines de la plateforme pétrochimique de la ville. C'est de là que provient le pétrole qui pollue la baie de Skikda. A l'origine, ces plateformes rouges, servaient aux bateaux bien trop grands pour s'approcher de la côte. Ils pouvaient ainsi pomper le pétrole via de gros tubes, que l'on appelle sea-line. Mais depuis plus d'un an, les sea-lines ne sont plus utilisés.

Selon les associations, les intempéries ont secoué les installations, une fissure a fini par apparaître et le pétrole se serait écoulé dans la mer, provoquant une marée noire. Car malgré l'arrêt de l'exploitation, le pétrole présent dans les sea-lines n'a pas été pompé. Dans le port de pêche de Stora, c'est le désespoir. «La nappe est très grande, elle fait environ 150 mètres de large», indique le patron d'un sardinier. Emmitouflé dans un anorak bleu marine, bonnet vissé sur la tête, un marin est exaspéré : «On ne peut rien pêcher. Avec ce pétrole, nos sondeurs ne peuvent pas repérer les bancs de poissons. Et même si on lançait les filets, tout ce que je pourrais remonter sera imbibé de brut».

L'agacement est général. Un sardinier vient de rentrer. Sur le pont, pas de poisson, mais un énorme bidon de 20 litres, remplit d'un liquide noir. Les marins se sont regroupés. «Ça continue de fuir. Quand on est à côté, il y a une forte odeur, c'est difficile de respirer !» Ils ont rapporté un peu de pétrole dans une bouteille en plastique pour la montrer, le lendemain, aux fonctionnaires du ministère, qu'ils doivent rencontrer. Un marin sort son téléphone portable. Il fouille à travers le journal des appels et montre au groupe qu'il a appelé la capitainerie et les autorités compétentes dès qu'il a aperçu la nappe. Rien n'a été fait. En une semaine, la nappe s'est étendue. En face du port, de l'autre côté de la baie, une immense cheminée laisse s'échapper des flammes. La fumée noire se voit à plusieurs dizaines de kilomètres.

Colère

C'est la plateforme pétrochimique de Skikda, l'objet de la colère des marins. «Depuis l'installation de la plateforme, nous devons respecter de plus en plus de règles pour pêcher. Mais eux, ne respectent rien !», s'emporte un sardinier. Hocine Bellout, président du Comité national des marins pêcheurs, est en colère. «En 2007, un navire iranien a endommagé un sea-line, et 500 m3 de pétrole se sont déjà déversés sur la même côte. C'est la 7e fois que cela arrive. La direction parle d'accident technique, mais ça a trop duré !» En 2008, une fuite se produit lors du chargement d'un tanker, navire transportant le pétrole, chypriote. Des centaines de litres sont déversés dans la mer. Ces accidents à répétition ont un impact sur la pêche. Selon les associations, les bateaux ramènent moitié moins de poisson.

«Le brut tue le poisson, la faune et la flore. Il n'y a plus d'oursins, plus de moules sur cette côte. Sonatrach est en train de polluer les côtés algériennes. On est face à une catastrophe écologiste et personne ne lève le petit doigt !», s'emporte Hocine Bellout. Les responsables de STH, l'entreprise qui gère la plateforme, affirment avoir réagi en propageant du dispersant. Une autre technique qui consiste à utiliser des sortes de buvard absorbant le pétrole. «Les buvards utilisés sont périmés. Du coup, ils coulent et restent au fonds de la mer. La pollution n'est plus visible mais elle est bien là», raconte Hocine Bellout. Mais les risques sur la santé sont encore plus grands. «Dans quelques années, les cancers se multiplieront», assène un militant écologiste d'Alger.

En cause, toujours cette plateforme, que la population ne peut ni approcher, ni prendre en photo et dont les responsables restent en poste, malgré les incidents. «Que peut-on faire ? Rien. Absolument rien. Nous sommes condamnés à nous baigner dans une mer polluée, à manger du poisson toxique et à respirer de l'air impropre», soupire un habitant.
 
Ce que dit la direction de l'environnement

Les quantités de fuel qui se sont déversées du flexible qui relie le sea-line à un bras de chargement du port pétrolier ne dépassent pas «les 100 litres», selon M. Belguidoum, directeur de l'environnement de la wilaya de Skikda. «Nous avons constaté sur place que la quantité de fuel qui s'échappait du flexible était très minime et ne représente en fait que des restes d'hydrocarbures qui se trouvaient contenus dans le flexible du sea-line, à l'arrêt depuis deux années déjà. Nous avons également relevé que la cadence du fuel qui remontait à la surface à partir du flexible, qui se trouve à plus 20 m de profondeur, était de quelques gouttes toutes les demi-heures», ajoute-t-il.

Quant aux répercussions de cette fuite sur le milieu marin, le directeur estime qu'elles sont «nulles». «Les traces de fuel ont été aperçues vendredi dernier vers 10h. Un dispositif  d'intervention a aussitôt été mis en place avec le concours des moyens de la Société des terminaux pétroliers (STP), propriétaire des sea-lines, de l'entreprise portuaire ainsi que des garde-côtes. L'opération de dépollution a été engagée et a consisté à déverser du dispersant sur le fuel. A 18h, toute la surface concernée par les traces de fuel a été totalement dépolluée.»

Ce que dit Sonatrach

La pollution a été occasionnée par une «petite brèche décelée au niveau d'une canalisation», a affirmé un cadre de Sonatrach sous le couvert de l'anonymat. Cette canalisation qui relie deux plateformes de la société de transport des hydrocarbures, filiale de Sonatrach, est à l'arrêt depuis un certain temps pour accélérer sa vidange, avant d'entreprendre les travaux de rénovation. «C'est ce qu'il reste dans les canalisations qui est en train d'être rejeté en mer, souligne le cadre de l'entreprise. Les quantités déversées sont moindres que ce que la presse affirme.»

Par ailleurs, un barrage flottant a été mis en place pour circonscrire la pollution. «Cela fait partie du plan d'action habituel que nous mettons en place en cas de fuite de carburant en mer. Nous utilisons en parallèle des dispersants qui permettent une dégradation rapide des molécules.» Le complexe de Skikda a déjà subi une série d'incidents, notamment une explosion sur une plateforme, qui a provoqué de sérieux dégâts dans le complexe gazier.

mercredi 6 février 2013

Exploration de gaz de schiste en Algérie : les députés algériens apportent leur soutien

N. B., à propos de la proposition du gouvernement algérien sur l'exploration du gaz de schiste du pays
Le Temps d'Algérie, 09/01/13

Un consensus semble être trouvé chez la classe politique à propos de la proposition faite par le gouvernement sur l'exploration du gaz de schiste en l'Algérie.

C'est du moins ce qui ressort des interventions, hier, des députés à l'APN à l'occasion du débat sur le projet de loi relatif aux hydrocarbures. «Après avoir écouté les spécialistes de la question et les responsables du ministère de l'Energie, je crois que l'Algérie peut entamer l'exploration de cette énergie non conventionnelle vu que toutes les mesures et précautions ont été prises sur l'impact de cette utilisation sur l'environnement, la santé, la recherche et autres», nous a affirmé Bakir Mohamed Kara, député RND.

Pour lui, «l'Algérie peut avancer à l'aise dans ce projet d'autant qu'il est retenu pour le long terme et non pour l'immédiat». Cette même option a été également défendue par le FLN, l'Alliance de l'Algérie verte (AAV) et le PT dont les députés ont salué cette initiative sans montrer aucune réserve à l'égard de ce projet proposé par Youcef Yousfi, ministre du secteur, présent lors des débats. «Nous sommes contre ces voix qui s'élèvent et parlent de l'impact catastrophique de l'utilisation de gaz de schiste sur l'environnement.

Les États-Unis, puissance mondiale et premier utilisateur de cette nouvelle énergie, comptent déjà des milliers de gisements de cette énergie non renouvelable. Evoquer la protection de l'environnement est une carte qu'on utilise pour dissuader les pays à ne pas utiliser cette énergie, histoire de préserver le monopole sur le marché international», dira Djeloul Djoudi, du Parti des travailleurs.

«On n'a pas le droit de sceller les mains de l'Etat qui cherche à préserver les ressources énergétiques du pays», a dit Ramdan Tazibt, député de la même formation politique. Le PT a salué les dispositions de cette nouvelle loi qui a «consacré et maintenu la règle 51-49 de partenariat économique en Algérie». «La règle 51-49 consacre le monopole de Sonatrach sur le transport de l'énergie, ce qui est un acquis considérable», dira M. Djoudi.

«L'Algérie a ainsi résisté devant les pressions étrangères exercées pour revenir sur cette règle d'investissement et cela nous garantit une sécurité énergétique», a ajouté M. Tazibt. Le seul refus enregistré dans ce domaine concerne celui du parti islamiste le Front de la justice et du développement (FJD) présidé par Abdellah Djabellah.

«Nous rejetons l'article 23 bis de cette loi sur l'exploration du gaz de schiste compte tenu des conséquences hydrologiques et hydrogéologiques désastreuses. Cette exploration va porter atteinte au plus grand réservoir d'eau de l'Algérie et de l'Afrique et va investir des montants faramineux sur ce projet», a affirmé un député de ce parti.

Les autres intervenants sont revenus sur les pénuries répétitives de carburants, l'absence d'un programme fixe de maintenance des unités d'exploration des hydrocarbures et de l'exportation de carburants par l'Algérie. Certains ont proposé la révision de la fiscalité pétrolière, notamment vis-à-vis des collectivités locales.

Un député du FLN s'est interrogé sur les suites de l'affaire des détournements de fonds de Sonatrach où sont impliquées les responsables de la firme italienne Saipem. «Une enquête judiciaire a été diligentée en Italie mais qui n'a été pas été suivie par une autre enquête en Algérie», a-t-il dit. Le député s'est aussi interrogé sur ce scandale qui a vu le versement de commission de l'ordre de 180 millions de dollars à travers des banques étrangères en Algérie. Un autre député de l'AAV a demandé à s'intéresser de «plus près» aux autres scandales ayant secoué le secteur des hydrocarbures.