lundi 28 janvier 2013

«On continue toujours à pêcher à l’explosif», Hocine Bellout, président du Comité national des marins pêcheurs

Lyès Mechti, à propos de la diminution de la ressource halieutique en Algérie
El Watan, 27/01/13

- Pourquoi le poisson manque-t-il sur les côtes algériennes ?

La réponse est simple : nous avons des marins pêcheurs sans foi ni loi qui ne respectent aucune réglementation. Ils pêchent dans n'importe quelle zone, en utilisant tous les moyens à leur portée, comme les filets interdits ou encore la dynamite. En plus de la pollution, le résultat ne peut être que catastrophique. Le poisson est aujourd'hui en train de quitter les côtes algériennes. La sardine, qui était abondante à un certain temps, est devenue l'une des 11 espèces menacées.
Mais il faut dire que la pollution, qui s'aggrave d'année en année, constitue le facteur numéro 1. Il y a aussi d'autres raisons qui entrent en jeu, notamment le non-respect des périodes de repos biologique ou encore l'extraction anarchique du sable des côtes et le pillage du corail.      

- Quels sont les endroits les plus touchés par la pollution ?

 
Ce sont les 1284 kilomètres de côtes marines qui sont tous entièrement pollués. A l'ouest, nous avons le complexe d'Arzew, au centre celui d'El Harrach, et à l'Est celui de Skikda. Annaba est devenue la ville côtière la plus polluée. Les rejets biologiques constitués de métaux lourds, de graisses et d'huiles, rejetés par tous ces complexes, ont grandement nui à la biomasse marine. Nous avons constaté, par exemple, qu'il n'y a plus d'oursins sur les rochers des côtes, de moules ou de fruits de mer. C'est un des symptômes qui prouve que les côtes algériennes sont polluées, parce que ce sont les espèces les plus sensibles à la pollution.

- Y a-t-il des marins qui continuent à pêcher à l'explosif ?

A l'ouest, on continue toujours à utiliser la dynamite. Le phénomène a certes diminué ces dernières années, mais beaucoup de pêcheurs y ont recours. Mais il n'y a pas que ça. Il y a aussi l'utilisation des filets dérivants, des filets invisibles, à cordes et des filets pélagiques et semi-pélagiques qui sont tous interdits par la loi. L'Algérie est signataire de la Convention de Barcelone sur la protection du milieu marin et du littoral de la Méditerranée.
Il n'en demeure pas moins que rien n'est fait pour protéger nos côtes. Plusieurs espèces de mammifères marins dont des dauphins sont régulièrement capturées. Il y a quatre ans, environ 35 dauphins ont été capturés tout le long de nos côtes. On dit que le poisson se fait rare, mais c'est nous, les gens de la profession, qui en sommes la cause.

- Les pêcheurs en sont responsables, mais le contrôle ne serait-il pas défaillant aussi ?
 

Nous avons, depuis 2005, demandé la création d'une police de la pêche pour renforcer le contrôle. Jusqu'à présent, nous n'avons rien vu venir. On nous dit que ces policiers sont en formation, mais jusqu'à quand ?
 
- Vous avez maintes fois attiré l'attention des autorités sur cette situation. Quelle a été, jusqu'ici, leur réaction ? 

Avant l'arrivée du nouveau ministre en charge du secteur, personne ne se souciait de la situation. Maintenant, nous avons pu avoir des rencontres de travail avec le ministre qui nous a promis de prendre en charge tous les problèmes qu'on lui a soumis. Il nous a avoué qu'à son arrivée, il a trouvé le secteur dans une situation catastrophique. Mais sur le terrain, il y a des directeurs de la pêche qui ne font pas leur travail. A Tipasa, par exemple, pour qu'un marin se fasse délivrer sa «carte bleue», il a fallu que je sollicite l'intervention de responsables au ministère.

- Qu'en est-il de la commercialisation des produit de la pêche ?

 
Si vous vous rendez dans n'importe quelle pêcherie, vous allez constater qu'à 4 heures du matin, le poisson qui se vend à l'extérieur est plus important que celui qui se vend à l'intérieur des pêcheries. C'est le commerce informel et illégal qui y règne, avec toutes les infractions qu'on peut imaginer : non-respect de la chaîne du froid, non-respect des tailles marchandes, utilisation de caisses en bois, etc.

- Vous avez parlé à un certain moment de l'existence d'une mafia qui gangrène le secteur. Qu'en est-il au juste ?
 
Oui. C'est une mafia bien organisée, bien équipée et bien financée, qui a pris le monopole du commerce de la pêche en Algérie, mettant ainsi en danger la faune marine. Ce sont des gens qui n'ont ni registre du commerce ni fascicule, mais qui ont accès aux ports le plus normalement du monde. Ils fixent à leur gré le prix du poisson et spéculent sur le produit. Ils n'hésitent pas à mettre sur le marché de la sardine pêchée illégalement d'une taille qui varie de 5 à 9 cm, alors que la taille autorisée est de 11 cm. En Europe, la taille autorisée a été augmentée à 14 cm, en raison de la baisse des ressources.
 
- Selon vous, il faut commencer par quoi pour mettre à niveau ce secteur ?


Nous avons toujours dit qu'il faut commencer par la prise en charge de la situation sociale des marins pêcheurs. Le statut des marins pêcheurs n'est toujours pas établi, alors que c'est une condition nécessaire pour améliorer les conditions de vie et de travail de la corporation. Il faudrait ensuite renforcer le contrôle à travers les 31 ports de pêche. Nous devons également arrêter de mentir sur les statistiques et chiffres qu'on donne aux responsables. L'Algérie ne produit que 73 000 tonnes de poisson par an, alors que les chiffres officiels parlent de 187 000 t/an. Au Maroc, la production atteint 1,5 million t/an et en Tunisie 650 000 t/an.  

Ressources halieutiques en Algérie : «Nous avons atteint le plafonnement qui précède le déclin»

Lyès Mechti, à propos de la diminution de la ressource halieutique algérienne
El Watan, 27/01/13

Dr Hemida nous apportait, en 2009, ses observations sur l'état, qu'il qualifiait d'alarmant, des ressources halieutiques en Algérie. Quatre années plus tard, la situation n'a guère changé à ses yeux.

- En tant que scientifique, comment voyez-vous la situation actuelle de nos ressources halieutiques ?

Il m'est difficile de répondre à cette question, vu que les résultats des campagnes d'évaluation n'ont jamais été mis à notre disposition. Cependant, je peux dire que les évaluations à l'aide de modèles analytiques réalisées par nos projets de recherche montrent que les différents stocks (pélagique, benthique) sont en déclin. Je peux vous affirmer donc que la situation des ressources halieutiques est alarmante. Les statistiques officielles du ministère de la Pêche, relevées par l'ancien océanographe, M. Lalami, qui était la référence en la matière à cette époque, montrent qu'entre 1964 et 1969, la production annuelle halieutique était de l'ordre de 20 000 tonnes. Dans les années 1970, elle est passée à 30 000 tonnes par an.
Pour les années 1980, je n'ai pas d'informations, mais durant la période allant de 1990 à 1996, la production était de 110 000 tonnes. Durant l'année 2001, il a été recensé 133 000 tonnes de production. Globalement, on peut dire qu'il y a eu augmentation de la production. Mais si l'on prend ces chiffres par périodes, on constate que l'évolution n'est pas exponentielle, puisqu'elle passe de 10% à 230% pour se stabiliser ensuite à un taux de 30% dans les années 2000. On sent de ce fait qu'il y a un plafonnement. Parallèlement à cela, il y a eu une augmentation de l'effort de pêche à travers l'augmentation du nombre de bateaux qui est passé de 300 à 5000 unités. Théoriquement, la production doit être proportionnelle à l'effort d'exploitation. Mais en pêche, il s'agit de «vivant» qui réponde à l'effort d'une certaine manière, jusqu'à un point optimal, puis tend vers la diminution. Le stock que nous exploitons, sous l'effet de l'augmentation de l'effort de pêche, va conduire à une production qui va en augmentation. Mais, après un certain moment, plus l'effort augmente, plus la production va diminuer. C'est le schéma classique de toute pêcherie. Actuellement, nous assistons à un plafonnement de la production qui précède le déclin. D'ici quelque temps, cela ne m'étonnerait pas que la production diminue encore plus.
 
- Quelles sont les espèces qui deviennent aujourd'hui rares ou qui auraient complètement disparu ?

Il y a des espèces qui se raréfient (tout le monde cite la sardine, ancien plat du pauvre), tous les clupéiformes sont concernés (allache, alose, anchois). Certains poissons ont complètement disparu des zones chalutées : le faux merlan (Micromesistius poutassou) par exemple. Il serait illogique de ne considérer ce phénomène de raréfaction ou disparition que pour les espèces d'intérêt commercial. Il existe certainement d'autres espèces marines appartenant à des groupes zoologiques différents qui subissent le même sort. Certains requins caractéristiques des barrières coralliennes se sont installés dans le bassin algérien et en ont disparu depuis les années 2004-2005. On ne saurait oublier de signaler l'apparition d'espèces complètement inconnues il y a quelques années et qu'on qualifie d'envahissantes ou d'exotiques : je mentionnerais des espèces qui ont fait l'objet de publications de ma part, entre autres la cornette bleue (Fistularia commensoni) en 2008, poisson qui semble se plaire dans nos eaux ; le poisson chirurgien (Acanthurus monriviae), le poisson cordonnier, le bossu, etc. Il y a aussi un crabe que tous les pêcheurs très renseignés sur la diversité faunistique n'ont jamais vu. Il s'agit du crabe Percnon gibbesi, observé  par des scientifiques et par moi-même à Jijel et dans l'Algérois. Tout cela doit être considéré pour agir de manière appropriée et donc tous les acteurs de la scène pêcherie doivent contribuer pour apporter des éléments de réponse. La solution n'est pas entre les mains du biologiste ou du pêcheur, mais dans l'approche partenariale, qu'on qualifie aussi d'approche écosystémique.

- Comment devrait-on résoudre le problème de la surpêche ?
 
Le problème de surexploitation est facile à résoudre de façon à ce qu'il y ait un retour à la normalité. Il faut préciser que cette surexploitation est de type économique qui n'est pas très grave. Mais la surexploitation de type biologique est irréversible. Je pense qu'il faut aller vers un transfert de l'effort de pêche vers d'autres fonds et inciter, voire obliger, les pêcheurs à aller exploiter d'autres zones, après un travail de prospection qui, lui, relève des autorités. Il y a lieu aussi de rassurer les pêcheurs qui hésitent à aller vers ces nouveaux fonds par peur de risquer leur vie ou leur matériel. Certes, la marine intervient lorsque des marins sont en difficulté. Mais procède-t-elle aussi au sauvetage du bateau ? Nous avons également préconisé des mesures qui relèvent toujours de l'administration, comme la nécessité d'avoir une image nette et précise de la ressource. Nous savons qu'il y a actuellement 133 000 tonnes de production par année. Mais nous n'avons pas de détails sur cette ressource halieutique, de quoi elle est composée. Notre stock est plurispécifique et il nous faut une approche multispécifique à partir d'une collecte de données. Malheureusement, la collecte de l'information est mauvaise et se fait actuellement de manière globale. C'est la précision et le sérieux accordés à la collecte des données qui vont décider d'une bonne ou d'une mauvaise gestion de la pêche.
J'ai bon espoir que la nouvelle politique gouvernementale puisse remédier à la situation à travers les récentes orientations de la pêche.

- Que pouvez-vous nous dire sur la campagne d'évaluation faite par les Espagnols ?

La prospection que les Espagnols ont faite dans cette campagne est une prospection selon la technique de l'aire balayée. Ils ont évalué la ressource halieutique algérienne à 700 000 tonnes, mais nous ne savons pas comment on doit la gérer, du moment que nous n'avons pas des donnés détaillées telles que celles se rapportant à la mortalité des animaux marins, les espèces capturées et autres. C'est pourquoi je peux affirmer aujourd'hui que nous n'avons pas une connaissance approfondie de l'état de nos ressources halieutiques. La seule option raisonnable pour laquelle il faut opter dans de pareils cas est la prudence. L'administration du secteur est en train de mettre en œuvre, en priorité, des mesures sociales, notamment à travers des formules de l'Ansej. C'est quelque chose de louable. Mais cela ne doit pas se faire au détriment du stock. Elle a recruté des ingénieurs halieutes, mais les décisions qu'elle prend ne sont pas adaptées aux réalités du terrain. 

Le stock halieutique algérien s’amenuise

Lyès Mechti, à propos de la diminution de la ressource halieutique algérienne
El Watan, 27/01/13

Les données statistiques et les constatations scientifiques le confirment aujourd'hui : la ressource halieutique algérienne tend de plus en plus à diminuer et la production de pêche connaît, depuis quelques années, un recul inquiétant. Phénomène naturel ou conséquence irréversible d'une mauvaise gestion des ressources ? Les spécialistes qui se sont intéressés à l'exploitation des réserves que recèlent les côtes algériennes mettent en avant les deux causes en même temps.

Les scientifiques affirment, en effet, que la production halieutique a atteint, depuis quelque temps, son summum, signe d'une prochaine période de déclin : «Que la production diminue encore plus, cela ne m'étonnera pas du tout», souligne Dr Farid Hemida, halieute à l'Ecole supérieure des sciences de la mer et de l'aménagement du littoral d'Alger (Essmal). 

Une lecture de l'évolution de la production durant la période 1999-2011 laisse constater trois périodes essentielles. De 1995 à 1999, une diminution progressive a été constatée avec une production moyenne de 99 191 tonnes/an, et un pic de 116 351 tonnes enregistré en 1996. La période allant de 2000 à 2006 a été, quant à elle, caractérisée par une augmentation continue avec une production moyenne de 136 602 tonnes/an, soit une croissance de +37%, par rapport à la production moyenne enregistrée durant la période précédente. Une tendance vers la baisse s'ensuivit avec, cette fois-ci, une production de près de 124 000 tonnes/an, soit une diminution de -9% par rapport à la production moyenne enregistrée durant la période 2000-2006.

Les responsables en charge du secteur pensent que «cette baisse peut être expliquée par deux facteurs principaux, à savoir le nombre de la flottille active et le nombre de sorties productives qui sont liés principalement aux conditions climatiques défavorables.» D'autres raisons sont également signalées comme étant à l'origine de cette baisse, en premier lieu la pollution des zones côtières et le réchauffement climatique. Il faut dire cependant qu'en dépit de la diminution constatée des ressources halieutiques, les quantités produites sont encore loin d'atteindre le «stock pêchable» estimé à 280 000 tonnes, sur un stock halieutique global de 600 000 tonnes. Sur le terrain, qui mieux que les marins pêcheurs pour expliquer cette contre-performance.   
Dépassant tous les deux la soixantaine, Omar et Abderrahmane, deux marins pêcheurs originaires de Dellys, n'ont pas pour autant rangé leurs filets de pêche ou renoncé à leur métier. Mieux, ils se sont associés pour acquérir un nouveau navire de pêche et l'ont confié à leurs deux fils qui assurent, avec leur soutien, la relève tant espérée.

Surpêche et pollution


Depuis leur jeune âge, ils gagnent leur vie en pêchant sur les côtes de la wilaya de Boumerdès. Leur revenu a cependant diminué au cours des dernières années et, aujourd'hui, même en étant patrons pêcheurs, ils n'assurent plus les mêmes rendements d'antan. «La région compte actuellement près de 3000 marins pêcheurs et sardiniers. La concurrence devient féroce et la mer n'est plus aussi généreuse qu'avant. Que voulez-vous qu'on pêche à côté des navires de 1200 chevaux qui raflent tout sur leur passage ?», déplorent les deux armateurs. Ils affirment qu'avant que la situation n'atteigne ce stade dangereux de surexploitation de la mer, l'activité pêche était réglementée en zone autorisée, en profondeurs et en périodes biens précises.

«Aujourd'hui, vous pouvez même voir à n'importe quelle heure des chalutiers pêcher à 10 miles nautiques des côtes sans être inquiétés», ajoutent-ils encore. Pour eux, cela ne fait aucun doute, les prix exorbitants du poisson dans les pêcheries ne sont que la conséquence de la diminution des quantités pêchées tout au long des côtes algériennes : «L'offre ne suit plus la demande, et le casier de sardines de 20 kg qui coûtait il y a quelque temps 800 dinars est cédé, aujourd'hui, à 7000 dinars», font remarquer nos deux interlocuteurs. Et de préciser qu'en plus de la sardine qui se fait de plus en plus rare sur les côtes algériennes, plusieurs espèces de poissons ont complètement disparu tels que «le requin blanc, le chien de mer, la morue, l'anchois, ou encore l'ombrine de sable que beaucoup de jeunes pêcheurs ne connaissent pas aujourd'hui.»    

Sans le dire explicitement, nos deux marins pensent aussi que la flambée des prix que connaissent les produits de la mer sur le marché est due, entre autres, à la hausse continue des frais d'exploitation : «Un bateau sardinier coûte pas moins de 20 millions de dinars, et un filet de pêche de 100 mètres est à 5 millions de dinars», nous fait-on savoir. Il faut dire cependant que l'équipement de pêche, même acquis flambant neuf, ne peut pas servir à grand-chose au port de Dellys. Et pour cause, les marins pêcheurs qui y exercent n'arrivent pas à rentabiliser leurs investissements, en ce sens que l'activité y est aujourd'hui réduite en raison de l'exiguïté des lieux. «Le quai fait à peine 20 mètres et le nombre d'unités est largement supérieur aux capacités du port. Il y a à peine 1 m entre une felouque et une autre», nous dit-on. Le port de Dellys, réalisé en 1925, connaît en effet une saturation quasi-totale en navires accostant à son niveau, d'autant qu'il abrite aussi les bateaux de marchandises. «Les responsables du secteur ont décidé de le réaménager, mais à ce jour nous n'avons rien vu venir», affirment les pêcheurs.

Compensation et statut

Au port de Bouharoun, dans la wilaya de Tipasa, les professionnels de la pêche ont pris l'initiative de s'organiser sous l'égide du Comité national des marins pêcheurs. Abdelmadjid El Mokhtar, armateur de son état, veut amener les responsables en charge du secteur à reconnaître la particularité de l'activité de pêche : «Les marins pêcheurs risquent leur vie en sortant en haute mer. Après 32 ans de travail, ils touchent une pension de retraite d'à peine 15 000 dinars. Il faut que cela change.» Selon lui, l'adoption d'un statut propre aux pêcheurs est, aujourd'hui, primordiale «si l'on veut que les choses s'améliorent». Et d'expliquer que les gens de la profession qui travaillent deux ou trois mois, seulement, durant l'année et chôment le reste du temps à cause du mauvais temps ou des périodes de repos biologique, se voient obligés d'utiliser tous les moyens de pêche, même les plus interdits par la loi, pour rattraper le manque à gagner.

«Si les pêcheurs bénéficiaient d'une compensation pécuniaire, la surpêche et la surexploitation des fonds marins n'auraient pas atteint ce stade alarmant», souligne notre interlocuteur. Tout en dressant une liste infinie de revendications socioprofessionnelles, Abdelmadjid ne cache pas sa crainte de voir le métier de pêcheur se clochardiser dans un futur proche, tant «la profession est aujourd'hui envahie par des intrus qui font la loi et imposent leur diktat, en fixant les prix du poisson à leur guise.» Le port de Bouharoun, notons-le, abrite une flotte de 25 chalutiers, 53 sardiniers et 125 petits métiers employant 1425 personnes et produisant quelque 9700 tonnes de poisson par an.

jeudi 24 janvier 2013

L’association Nour tire la sonnette d’alarme : «Le barrage de Beni Haroun est hautement pollué»

Mahmoud Boumelih, à propos des dégâts causés par la pollution et l'envasement qui menacent la viabilité du barrage
El Watan, 14/01/13

Le plus grand complexe hydraulique du pays, alimentant en eau potable, en plus de Mila, cinq autres wilayas, est-il en train de péricliter ?


Des spécialistes tirent la sonnette d'alarme sur les dégâts causés par la pollution et l'envasement qui menacent sérieusement la viabilité de l'ouvrage. Analysé sous le prisme de la version dithyrambique officielle, ce mégaprojet, qui a valu à l'Etat un budget astronomique, est perçu comme une fierté locale, voire nationale. L'on ne cesse de s'étendre sur ses projections futuristes dites prometteuses comme l'approvisionnement en eau potable des ménages H24 dans un futur proche, la relance de l'agriculture à travers l'irrigation du périmètre de Téleghma d'une superficie de 8000 ha, l'essor touristique et, «cerise sur le gâteau», la réalisation future, sur l'immense plan d'eau du barrage Beni Haroun, d'une plage artificielle.

Si tout semble baigner dans l'huile, rares sont les responsables des secteurs publics en charge de la gestion, l'exploitation et la maintenance de ce complexe hydraulique à lever le voile sur les carences et dysfonctionnements qui l'affectent. Nour Beni Haroun de protection de l'environnement, cette petite association de l'Algérie profonde, a mis les pieds dans le plat pour dénoncer la lente agonie de ce géant aux pieds d'argile. Selon l'association, la donne a été faussée dès le départ. C'est-à-dire durant la période précédant la mise en eau du barrage, fin 2004. Période durant laquelle ont été lancées des opérations d'envergure d'abattage d'arbres, d'extraction de la flore et de nettoyage de toute l'étendue du lac. «Si la première phase s'est très bien passée avec l'arrachage de quelque 9000 oliviers du côté de Sidi Merouane, les actions de ''démaquisage'' et d'incinération des végétaux au titre des étapes 2 et 3 du projet ont été bâclées car expédiées à la hâte et réalisées en violation des dispositions contenues dans les cahiers de charges», affirme Hacène Boukazoula, président de cette association.

Et d'enchaîner : «Du point de vue de la réglementation, le programme de désouchage et de déblaiement de la cuvette du barrage devaient être ponctués par l'enlèvement systématique des souches et des branchages hors bassin et leur incinération. Mais rien de tout cela n'a été fait. Plus grave encore, des vergers entiers ont été immergés dans les régions de Kikaya et Beinen, provoquant le pourrissement des racines avec tout ce que cela induit comme prolifération de bactéries. Des centaines d'arbres ont connu le même sort. Et pour voiler aux regards indiscrets le nombre incalculable de souches enfouies du côté de la digue, on a procédé à la fermeture des vannes pour accélérer le processus de remplissage.»

Pollution et envasement, des dangers banalisés

M. Boukazoula dit encore : «Le bassin de Beni Haroun est devenu, bêtise et insouciance humaine conjuguées, un véritable réceptacle d'impuretés et de rejets en tous genres. Le pourtour du barrage, dont la longueur de queue dépasse les 35 km, est, dans une très grande proportion, dénudé et loin d'être sécurisé en matière de reboisement. La preuve en est l'érosion et l'effritement effrénés des berges et l'accentuation du phénomène d'envasement.» Pour lui, il y a trois périmètres de sécurité autour du barrage. En plus des abords immédiats, censés être consolidés avec l'implantation massive d'espèces d'arbres adaptées à la nature physique des lieux, afin de prévenir les glissements de terrain en grande masse, il y a un périmètre très rapproché où aucune activité agricole n'est permise et un autre destiné aux cultures biologiques sans l'usage de produits chimiques. «Or, et c'est là que le bât blesse, on assiste (preuve à l'appui) à une concentration d'exploitation de cultures maraîchères à très fort usage d'engrais chimiques au niveau de la première zone de sécurité», martèle-t-il.

Le déficit manifeste de reboisement des berges sur les terrains en forte pente entraîne une érosion impressionnante et des glissements de terrain en grande masse. L'exemple des localités de Bouksiba et Kikaya en est l'illustration édifiante. Des cadres de l'association sont catégoriques quant à la lente agonie de l'ouvrage. Se basant sur des prélèvements effectués, en 2006, sur différents oueds en crue et à des périodes diverses, les cadres de l'association Nour, après la mise en décantation desdits prélèvements, leur séchage et pesage, en ont déduit qu'un litre d'eau donne 2 grammes d'envasement, soit 2 kg au mètre cube et 1,63 t/ha/an. C'était du temps où le remplissage du barrage avoisinait les 400 millions de mètres cubes. Réagissant au grief relatif au déficit de reboisement, le conservateur des forêts, Ahmed Yahiaoui, balaye l'argument d'un revers de main : «Des études concernant les actions prioritaires ciblées à entreprendre en matière de fixation des berges sont achevées.

C'est la nature juridique du pourtour du lac et l'opposition des riverains qui posent problème. La véritable contrainte que nous rencontrons, ce n'est pas tant l'inscription d'opérations de reboisement et de repeuplement. Nous avons pu relancer des programmes de mise en place d'un couvert végétal permanent, qui étaient à l'arrêt depuis 2006. Mais, à chaque fois, on est bloqué par les agriculteurs de la région, comme à Hamala et Chigara.» L'un de ses proches collaborateurs considère que «les techniques culturales adoptées par les agriculteurs dans les zones limitrophes du barrage sont inappropriées», que «les pratiques agricoles sur terrains pentus encouragent l'érosion» et qu'«a fortiori, à la faveur des précipitations, le ruissellement des eaux pluviales favorise la naissance de talwegs et de ruisseaux qui, à leur tour, charrient et déposent dans la cuvette du barrage boue et déchets». 

Huileries et stations de lavage-graissage mises en cause

Nos interlocuteurs sont formels : «Si les eaux usées de Grarem, Mila et Sidi Merouane sont traitées au niveau de la station d'épuration (STEP) sise dans la dernière localité citée, celles des agglomérations de Anouche Ali et Sibari ne sont pas épurées. En outre, sur une dizaine d'huileries dénombrées, seuls les rejets liquides des unités de Grarem, Mila et Sidi Merouane passent par la STEP. Les liquides résiduels, appelés dans le jargon technique ''margine'' émanant d'autres unités similaires, déversés dans la nature, sont aussi polluants que dangereux dès lors qu'ils sont directement charriés via les cours d'eau dans le lac du barrage». Cette matière toxique, indique-t-on, dissout des métaux lourds hautement cancérigènes. Il en est de même du danger de la lixiviation (lessivage). C'est une espèce de jus secrété par les décharges non contrôlées se trouvant en amont du lac. Extrêmement nocive, cette matière suit, à la faveur du ruissellement des eaux pluviales, son cheminement naturel et se dépose dans le barrage.

«Pis encore, poursuivent nos interlocuteurs, l'entreposage de monticules d'ordures et de carcasses d'ovins dans les cours d'eau (nous avons des preuves formelles), le rejet de lubrifiants et d'huiles de vidange générés par l'exploitation de stations de lavage et graissage (les exemples des stations de Grarem, Rouached, Ferdjioua et Oued Endja est saisissant à cet égard), le déversement d'eaux usées dans les oueds et affluents, alimentant le lac du barrage, sont autant de sources de pollution, dont on semble minimiser l'impact destructeur.» Argument battu en brèche par la première responsable de l'environnement. Sur ce point, la directrice intérimaire, Mme Feriel Bencharif, est explicite : «Je confirme que s'il y a pollution et envasement du barrage, le mal ne provient nullement des huileries et des stations de lavage-graissage. Ces unités disposent d'autorisation réglementaire et sont dotées de bassins de décantation.»

Requérant l'anonymat, une autre source très au fait du dossier étaye le jugement ci-dessus tout en levant le voile sur la problématique des cultures intensives aux abords du barrage. Grief qui recoupe la mise en garde de l'association Nour sur le non-respect des périmètres de sécurité. «Beni Haroun n'est pas industriellement pollué, c'est la prolifération illicite de champs de melons et de pastèques, cultures à fort usage de pesticides et d'engrais, dans les périmètres rapprochés du lac qui portent préjudice et nuisent à la faune aquatique. La preuve étant que des dizaines d'agriculteurs expropriés, en dépit de leur indemnisation, continuent d'exploiter, au vu et au su de tous, des terres reprises par l'ANBT, allant jusqu'à pomper illégalement l'eau du barrage pour les besoins de l'irrigation. Ont-ils des autorisations ? Si oui, qui en est l'initiateur», s'interroge notre source. Et de marteler : «Des milliers de poissons sont morts au début de l'été dernier à cause du déversement inconsidéré de pesticides dans le barrage. Des bancs de gros poissons décimés (carpes), flottant sur les rives du lac, ont été ''soigneusement évacués'' le lendemain même pour effacer toute trace de cette mascarade.» Pour rappel, dans l'une de nos éditions, nous avions interpellé le directeur de l'ANBT, Azeddine Lemanaâ, sur cette dérive. Mais, ce dernier n'a rien vu d'autre que «la mort d'une dizaine de poissons provenant des invendus rejetés dans le lac par les pêcheurs informels» (sic !).

L'ANBT et l'ONA s'inscrivent en faux contre leurs pourfendeurs


Le même responsable souligne que «tout barrage de par le monde est exposé au phénomène de l'envasement». Et de poursuivre : «Etant à la jonction du plus grand bassin hydrographique (il s'agit du n°10) qui s'étend jusqu'à la wilaya d'Oum El Bouaghi, cette importante retenue (le barrage) est à la merci de la pollution, qu'on le veuille ou non. L'important est de mettre en place certaines actions qui nous évitent un envasement considérable. A ce titre, je ne citerais que les 150 ha de reboisement en rive droite que l'ANBT a mis, cette année, à la disposition de la Conservation des forêts.» Notre interlocuteur indique aussi que par le biais de la mise en place, il y a deux ans, de brigades de surveillance et contrôle du plan d'eau, des infractions ont été relevées et leurs auteurs ont été confondus. De son côté, Menouar Kouachi, directeur de l'Office national d'assainissement (ONA) s'insurge : «La STEP de Sidi Merouane, réceptionnée en 2009, est très sophistiquée. Je confirme qu'elle n'est jamais tombée en panne.

Dès qu'il y a un problème, nous actionnons le système de basculement pour assurer la continuité du traitement des eaux usées. L'installation mise en cause (la STEP) fonctionne normalement, au même titre que celle de Oued Athmania. Hormis l'incident de la rupture de la conduite en amiante-ciment de la station de relevage (SR) de Grarem, suite à un glissement de terrain, il n'y a pas eu de panne majeure.» Puis d'expliquer : «La wilaya est jusqu'ici dotée de 11 SR, 7 à Sidi Merouane et 4 à Oued Athmania. Avec la prochaine réalisation de deux autres STEP, l'une couvrant oued Endja, Zeghaïa et une partie de l'université, une autre au profit de Ferdjioua et Aïn Beïda Ahriche ainsi qu'un projet centralisé de création d'une structure analogue pour Rouached et Boughardayène, nous arriverons à un taux de 80% de traitement de l'ensemble des eaux usées.»

vendredi 18 janvier 2013

L’Algérie exportera du gaz de schiste vers la France

Ludovic Dupin, à propos de l'exploitation par la France du gaz de schiste en Algérie
Le Matin DZ, 10/01/13

A en croire Delphine Batho, ministre de l'Ecologie, la France ne participera pas à l'exploitation du gaz du schiste en Algérie. Il n'en reste pas moins que le pays s'empressera d'importer le gaz non conventionnel extrait du sol algérien.


Certaines indignations ne tiennent guère compte de la réalité économique. Lorsque le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius glisse à quelques journalistes, en marge du voyage présidentiel en Algérie les 18 et 19 décembre dernier, que l'Algérie et la France vont signer un accord pour mener des recherches françaises sur le territoire algérien dans le domaine de l'exploitation des gaz de schiste, le sang de Delphine Batho, ministre de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie, ne fait qu'un tour ! Appuyée par Matignon, elle dément immédiatement les propos de Laurent Fabius, arguant que si la France interdit la fracturation sur son territoire, ce n'est pas pour la promouvoir ailleurs. Prise de position logique… Pourtant, la France achètera massivement les gaz de schiste algériens.

L'économie algérienne est quasiment entièrement dépendante des hydrocarbures. Le pays est le huitième producteur de gaz naturel dans le monde. Or il possède 17 000 milliards de mètres cubes de gaz non conventionnel, soit quatre fois plus que ses réserves conventionnelles. Pas question pour les autorités de passer à côté de cette manne, même si une opposition écologique se met en place pour dénoncer la fracturation hydraulique et notamment la grande consommation d'eau liée à cette technique dans un pays en stress hydrique. Le ministre de l'Energie algérien, Youcef Yousfi, a présenté mardi 8 janvier à l'Assemblée nationale un texte visant à offrir des avantages fiscaux pour des projets pétroliers complexes comme l'exploitation offshore ou celle de ressources non conventionnelles. L'objectif est d'attirer des pétroliers étrangers sur son territoire. D'ici à 10 ans, l'Algérie sera un grand pays producteur de gaz de schiste.

De quoi accentuer l'importance du gaz algérien dans l'approvisionnement de la France. L'Algérie est déjà le quatrième fournisseur de la France (derrière la Norvège, les Pays-Bas et la Russie) avec 15,4% des importations de gaz. Or entre l'arrêt définitif du gaz de Lacq, le refus de produire des hydrocarbures en France et la diminution de la part du nucléaire, les importations françaises de gaz vont croître, même avec une politique forte d'efficacité énergétique.

Avec la baisse des productions en mer du Nord, il ne restera que deux possibilités : augmenter le débit du robinet russe ou celui du robinet algérien. L'Europe se sent déjà bien trop dépendante au premier et devrait donc opter pour le second. La France achètera donc massivement des gaz issus de réserves non conventionnelles algériennes. Delphine Batho a beau ne pas vouloir promouvoir la fracturation hydraulique en Algérie, la politique française en la matière tiendra rapidement en quatre mots : "Not in my backyard" (pas dans mon jardin).

vendredi 11 janvier 2013

Environnement : Les défis écologiques du Maroc

Meriem Saadi, à propos des défis écologiques du Maroc et des politiques menées par le pays pour y faire face
Telquel, le 08/01/13

Désertification, stress hydrique, déforestation, pollution de l'air et de l'eau… les maux qui menacent l'équilibre écologique du royaume sont nombreux. Mais comment l'Etat compte-t-il y faire face ? Le point, domaine par domaine.

En décembre dernier, le Conseil de gouvernement a enfin adopté le projet de loi cadre portant sur la Charte nationale de l'environnement et du développement durable. Ce texte de loi, présenté par Fouad Douiri, ministre de l'Energie, des Mines, de l'Eau et de l'Environnement, est attendu depuis déjà plus de deux ans par les militants associatifs écologistes. "Ce projet de loi prouve bel et bien la volonté de l'Etat marocain d'avancer dans le processus du développement durable. Nous assistons depuis quelques années à la naissance d'une conscience environnementale institutionnalisée. Ce texte sera l'instrument législatif qui mettra au clair les orientations du pays. Nous l'attendions avec impatience", affirme Brahim Abouelabbes, président de l'Association marocaine pour l'écotourisme et la protection de la nature (AMEPN), qui a participé aux débats organisés récemment à ce sujet par le Conseil économique et social. Cette loi-cadre viendra donc renforcer l'arsenal juridique traitant de l'environnement comme les lois sur l'eau, la conservation des forêts, les énergies renouvelables ou encore la gestion des déchets. "L'Etat a bien compris l'importance de la sauvegarde de l'environnement, et celle des énergies renouvelables. Il n'y a qu'à voir le nombre d'organismes étatiques qui ont été créés ces dernières années dans ces deux domaines. Mais aujourd'hui, le défi c'est de pouvoir appliquer toutes les lois mises en place, et cela avant qu'il ne soit trop tard pour le pays", explique Hassan Chouaouta, président de l'Association marocaine des experts en déchets et en environnement (AMEDE).

Eau. Attention, stress à l'horizon

Cette année, le Maroc a franchi l'étape du manque pour passer à celle de la rareté en matière d'eau. D'après les derniers chiffres du Haut commissariat marocain aux eaux et forêts et à la lutte contre la désertification, la part d'eau pour chaque citoyen sera réduite de 49% d'ici 2020. Les raisons ? Les changements climatiques, la désertification, la grave détérioration des réserves de la nappe phréatique dans le sud du pays, la perte de dizaines de millions de m3 d'eau à cause du remplissage de plusieurs barrages par la boue. Il faut ajouter à cela le fait que seulement 30 milliards de m3 peuvent être considérés comme ressources nationales en eau, alors que les précipitations apportent annuellement un volume évalué à 150 milliards de m3 ! Le pays est donc officiellement menacé par une pénurie dans les années qui viennent s'il ne prend pas les bonnes décisions. Les conséquences pourraient être dramatiques, en particulier sur le secteur agricole -qui contribue à hauteur de 19% au PIB national- mais également sur la sécurité alimentaire des Marocains. Le gouvernement en est heureusement conscient, puisque Abdelilah Benkirane a récemment évoqué la question au parlement, en annonçant que d'ici 2050, le tiers des terres agricoles risque de devenir inexploitable. Pas de panique donc, l'Etat ne compte pas rester les bras croisés. Dès 2009, dans le cadre du Plan Maroc Vert, les pouvoirs publics ont adopté une politique de promotion des techniques d'irrigation. Sans parler des stratégies de recyclage de l'eau ainsi que le programme de construction de quinze grands barrages doté d'une enveloppe de 12,5 millions de dirhams.

Pollution. On suffoque !

Le Maroc émet actuellement 2,3 tonnes de CO² par an et par habitant, dix fois moins qu'en Europe. Mais ce chiffre a énormément augmenté ces dernières décennies. A cause du trafic routier, qui contribue en moyenne à 60% de la pollution de l'air, et en raison de l'implantation industrielle périurbaine (usines chimiques, textile, agroalimentaire, métallurgie, etc.). Actuellement, l'air de Casablanca (en particulier au niveau du quartier Aïn Sebaâ), celui de Mohammedia ou encore celui de Safi sont considérés comme les plus pollués du royaume. Cette pollution atmosphérique est responsable de l'augmentation des allergies, des infections respiratoires ou encore des crises d'asthme chez les habitants de ces villes. Selon les chiffres du ministère de l'Energie, des Mines, de l'Eau et de l'Environnement, le coût de dégradation de l'air et de ses impacts ont été évalués à 3,6 milliards de dirhams par an, ce qui représente environ 1% du PIB. Plusieurs lois ont été élaborées ces dernières années pour lutter contre cette problématique, mais sur le terrain, rien n'est vraiment fait. "Le problème, c'est que les industriels ne jouent pas le jeu. Leurs usines ne sont pas équipées pour filtrer la qualité de leurs émissions de gaz, et l'Etat n'a pas encore pris les mesures nécessaires pour les obliger à le faire", regrette Hassan Chouaouta, à la tête de l'AMEDE. En parallèle, le Maroc a lancé plusieurs projets de développement des sources d'énergie renouvelables, qui ont pour objectif de diminuer l'émission de dioxyde de carbone de 3,7 millions de tonnes par an. Les plans solaires et éoliens lancés ces dernières années devraient également permettre au pays de diminuer sa facture énergétique.

Biodiversité. Menaces omniprésentes

La situation géographique du Maroc, son climat, son relief et ses milieux naturels font de lui le deuxième pays le plus riche en diversité biologique en Méditerranée, après la Turquie. Malheureusement, cette biodiversité est sérieusement menacée. Actuellement, la faune marocaine comporte 24 534 espèces, dont 610 sont menacées de disparition. La flore quant à elle comporte 6995 espèces, dont 1670 sont en danger. Les raisons ? La surexploitation des ressources (la surpêche, la surexploitation des algues et des coraux, le surpâturage...), liée à des facteurs socio-économiques. Le patrimoine forestier est également fragilisé puisque 31 000 hectares sont perdus annuellement à cause de la désertification, du défrichement, des incendies ou encore de la coupe illicite de bois. Des forêts dont l'âge se situe entre 100 et 800 ans. "Nos écosystèmes naturels sont confrontés à une double problématique : la fragilité de leur biodiversité, liée dans sa croissance et dans son développement aux conditions climatiques, ainsi qu'à la vulnérabilité sociale des populations qui y vivent", analyse Brahim Abouelabbes, fondateur de l'AMEPN. Un défi que l'Etat essaie de relever depuis plusieurs années, avec notamment une campagne de reboisement lancée dès 1999. D'après l'Observatoire nationale de l'environnement du Maroc (ONEM), en dix ans, cette campagne a permis le reboisement de 502 358 hectares, majoritairement dans la région du nord-ouest et du Haut-Atlas. Sauf qu'en période de restriction budgétaire, la sauvegarde des forêts ne semble plus être une priorité pour le gouvernement. "Imposer des restrictions budgétaires à la sauvegarde de nos forêts et de notre patrimoine naturel est une erreur monumentale. C'est justement en période de crise économique qu'il faut doter ce secteur des moyens suffisants, en  renforçant le contrôle contre les mafias du bois", poursuit le militant écologiste.

Déchets. En attendant le recyclage

La production de déchets au Maroc est estimée à 5 millions de tonnes par an. La production de déchets solides ménagers s'élève à près de 18 000 tonnes par jour, soit en moyenne 0,75 kg par habitant, quotidiennement. L'industrie génère de son côté plus de 1,5 million de tonnes annuellement, dont 256 000 sont dangereux. Quant aux déchets médicaux, ils représentent 6000 tonnes par an. On recense 300 décharges sauvages et 10 décharges seulement sont contrôlées. Les défis que doit relever le Maroc dans ce domaine ? Améliorer la gestion de la collecte de déchets, lutter contre la présence de décharges en zones urbaines, et celle des décharges sauvages dans chaque quartier. Sans oublier l'éradication des sachets en plastique, dont la biodégradation prend 400 ans. Les conséquences de la mauvaise gestion des déchets ? La pollution de l'atmosphère, du littoral et du milieu marin, mais également la contamination des sols par les produits dangereux (pesticides, métaux lourds…) Un chantier qui est donc primordial, mais loin d'être évident. "Malheureusement, les décharges que nous avons ne sont pas contrôlées, et les communes ne jouent pas leur rôle. La majorité d'entre elles ne font aucun suivi de la gestion de leurs déchets, et cela donne des résultats catastrophiques", analyse Hassan Chouaouta, de l'AMEDE. Quant au système de recyclage des ordures, il est quasi inexistant au Maroc, livré à l'informel : il est effectué par environ 15 000 récupérateurs. Mais à grande échelle, le traitement n'existe pas. Malheureusement, les déchets dans nos décharges sont systématiquement enfouis sous terre. Et le plus gros problème dans ce domaine reste sans aucun doute le manque de civisme des citoyens. "Ils ne sont pas suffisamment sensibilisés à la question des déchets. La majorité ne se sent pas du tout concernée par le problème, et ne voit pas d'inconvénient à jeter ses ordures dans l'espace public. Et c'est là où le bât blesse", conclut le militant associatif.

Algérie : Il est temps de passer aux énergies renouvelables

Azzouz Kerdoun, a propos du changement du contexte énergétique mondial et de l'alternative offerte par les énergies renouvelables et des actions menées par l'Algérie dans ce domaine
Portail algérien des énergies renouvelables, le 01/01/13

Du fait des changements importants qui se sont produits durant ces dernières décennies, le contexte énergétique mondial connaît aujourd'hui de grandes mutations.

Il appelle à une redéfinition des besoins et des modes de consommation, car les risques d'épuisement des ressources non renouvelables tels que le pétrole, le gaz naturel et le charbon largement exploités sont en voie de disparition, faute de nouvelles découvertes. Le réchauffement climatique et les catastrophes nucléaires, récemment sous les feux des médias(1), font apparaître clairement que le modèle énergétique actuel n'est pas durable. Il est donc nécessaire d'engager une transition vers un modèle qui serait plus durable pour les besoins des générations présentes et futures.

Les énergies renouvelables constituent à cet effet l'alternative où le potentiel est important mais largement sous exploité. Pays méditerranéen, l'Algérie dispose encore de grandes ressources en énergies fossiles, mais également un potentiel important en énergies renouvelables : énergie solaire, géothermie, biomasse, énergie éolienne et électricité hydraulique, que l'on connaît moins. Ce potentiel techniquement exploitable est considérable et la qualité des gisements est telle que les investissements rentables peuvent être considérés pour leur développement. Une utilisation massive des énergies renouvelables peut être envisagée en Algérie, car la part de ces énergies dans le bilan énergétique national est encore très faible et devra augmenter substantiellement à l'avenir.

La tendance en Algérie vers une forte urbanisation et la volonté d'atteindre des taux de croissance élevés, imposés par un accroissement démographique important, augmentera la population algérienne qui sera de l'ordre de 45 millions d'habitants selon les estimations, ce qui indiquera pour les prochaines années un niveau élevé de demande d'énergie, particulièrement pour l'électricité(2). Par ailleurs, la pression environnementale mondiale sur le champ économique et social, exercée à travers les conventions internationales, les normes et les directives contraignantes, particulièrement dans le domaine des énergies fossiles, incite à l'utilisation des énergies renouvelables.

La loi algérienne du 28 juillet 1999 sur la maîtrise de l'énergie prévoit des avantages financiers, fiscaux et en matière de droits de douane pour les actions et les projets qui concourent à la promotion des énergies renouvelables. Les spécialistes indiquent que l'Algérie présente des potentialités au plan scientifique et technologique qui peuvent aider à la mise en place d'une industrie des énergies renouvelables. La loi sur les énergies renouvelables, votée en 2004, fixe à 10% la part du solaire et de l'éolien dans le bilan énergétique national à atteindre en 2020.

Cette loi est motivée par la volonté de limiter la production du gaz à effet de serre, conformément à l'engagement de l'Algérie découlant de sa ratification de la convention-cadre sur les changements climatiques, signée en juin 1992 et entrée en vigueur le 21 mars 1994. On peut ainsi s'attendre à une concurrence des autres sources d'énergies, notamment les énergies renouvelables avec le pétrole et le gaz d'ici 2020, compte tenu de l'effondrement prévisible de la filière nucléaire. Les investissements pour les énergies renouvelables sont promus à une plus grande accélération après la catastrophe japonaise de Fukhushima Daïchi. Ce n'est que ces dernières années que l'on s'est vraiment intéressé aux énergies renouvelables en Algérie, où une véritable révolution est en train d'être opérée dans ce domaine qui attire de plus en plus d'investisseurs du secteur privé, car le marché des énergies renouvelables est encore vierge et beaucoup d'entreprises essayent d'investir un créneau particulier, notamment dans l'énergie solaire thermique.

Énergies nouvelles et partenariat

L'Algérie a annoncé par le biais du ministère de l'Energie et des Mines le lancement d'un programme ambitieux pour les énergies nouvelles qui sera développé jusqu'à l'horizon 2030(3). La réalisation de ce programme contribuera à hauteur de 30 à 40% des énergies renouvelables dans la production globale d'énergie. Soixante projets ont été identifiés dans ce cadre là, avec comme objectif d'exporter de l'électricité dans une phase ultérieure. L'Etat compte investir 60 milliards de dollars sur un financement global de 120 milliards de dollars qui sera nécessaire pour la production de 22 000 mégawatts d'électricité de sources renouvelables, notamment le solaire et l'éolienne, pour le marché intérieur, en plus de 10 000 MW supplémentaires à exporter pour les vingt prochaines années.

La puissance publique prendra en charge le financement de la moitié de ce programme pour alimenter le marché local d'ici 2030. Mais il faudra trouver des partenaires investisseurs privés et étrangers pour assurer le financement de l'autre moitié du programme, car il ne sera pas possible de développer le marché de l'exportation à partir des seuls financements publics. Ainsi, avec le développement des énergies vertes, il est possible de créer près de 200 000 emplois directs et indirects, notamment grâce au segment de la sous-traitance locale. Le programme des énergies renouvelables, dévoilé par les responsables du secteur, sera réalisé en trois phases. La première phase sera consacrée aux études et au lancement de projets pilotes tout au long de l'année 2013.

La deuxième phase, allant de 2014 à 2015, verra la réalisation des premières installations, et la troisième phase qui s'étalera sur la période 2016 à 2020 sera celle du lancement de l'industrie à grande échelle. Ce programme adopté par le gouvernement n'aura de sens qu'avec un développement industriel et technologique national.

Le partenariat dans le domaine des énergies renouvelables est nécessaire dans les différentes phases du processus de développement de la filière, compte tenu des technologies utilisées et des financements importants à prévoir pour la réalisation des installations de production et la connexion des réseaux commerciaux. Dans cette perspective, l'initiative européenne Desertec à laquelle l'Algérie adhère pleinement à la faveur d'un mémorandum d'entente conclu en décembre 2011 à Bruxelles entre Sonelgaz et la société allemande Desertec DH. Cette coopération prend forme et est aujourd'hui accueillie favorablement en Algérie après une polémique qui a duré plusieurs mois sur l'adhésion ou non de l'Algérie à ce projet éco-énergétique de grande envergure ayant pour objectif de créer un réseau interconnecté alimenté par des centrales solaires du Maroc à l'Arabie saoudite et des câbles sous-marins à l'Europe(4).

L'enjeu technologique et financier est considérable, et lors de sa visite en décembre 2010 en Allemagne, le président de la République algérienne a insisté sur "l'importance du projet Désertec, piloté par des entreprises allemandes, qui vise à créer d'ici 40 ans un vaste réseau d'installations éoliennes et solaires en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, censé fournir à terme jusqu'à 15% de la consommation d'électricité de l'Europe(5)". Ainsi, la disponibilité de travailler avec des partenaires étrangers avec l'Algérie ne pose plus de problème, notamment avec tous ceux qui apportent quelque chose au programme national de développement des énergies renouvelables.

Le transfert de technologie et la production au niveau local des équipements nécessaires aux installations de l'électricité à partir du solaire seraient une action complémentaire. C'est l'envol d'un partenariat à long terme avec les initiateurs de ce projet d'énergie solaire, avait affirmé le ministre de l'Energie et des Mines devant le premier responsable de Desertec. Le ministre a expliqué que l'Algérie était prête "à entamer une coopération fondée sur un partenariat à long terme intégrant impérativement la fabrication des équipements industriels en Algérie, la réalisation de futures centrales solaires, la formation et la recherche développement avec les centres de recherches et laboratoires algériens." Selon le ministre de l'Energie, "ce partenariat doit également permettre à l'Algérie d'accéder aux marchés extérieurs pour l'exportation de l'électricité(6)".

De son côté, l'Union européenne est en train d'étudier la possibilité de participer au financement des projets de production d'énergie renouvelable dans les pays de la rive sud de la Méditerranée, destinés à l'exportation. Le solaire et l'éolien seront au rendez-vous dès les prochaines années. Il s'agira tout juste de déterminer les formes d'un partenariat gagnant-gagnant dans le secteur des énergies renouvelables en clarifiant les conditions juridiques et les aspects commerciaux par une approche pragmatique et progressive.

Une transition assistée

Travailler sur la transition énergétique suppose l'adoption d'une approche systémique pour mieux saisir les enjeux spatiaux et relationnels qu'elle sous-tend. La question énergétique s'insère dans des champs de pouvoir et s'articule à différentes échelles : locale, régionale et globale. Elle questionne les rapports de force présents et futurs entre les pays. Les logiques qui sous-tendent cette transition énergétique et/ou les impacts de ces dernières sur les sociétés conduisent à une redéfinition des équilibres régionaux, sociétaux et territoriaux.

Souvent qualifiées d'énergie d'avenir au motif que, sans se substituer aux énergies traditionnelles, les énergies renouvelables ont pour vocation, à terme, à compléter les énergies fossiles. Incontestablement, l'avenir des civilisations contemporaines se jouera sur la capacité de l'homme de tirer profit des énergies renouvelables, signe de responsabilité et de développement durable. L'intérêt pour ces énergies, présentées souvent comme nouvelles est relativement récent. Face aux perspectives de réchauffement climatique, de rareté à moyen et long termes des énergies fossiles et corrélativement de l'augmentation de leur coût, un champ d'investigation scientifique nouveau est apparu, que ne sauraient ignorer plus longtemps les juristes.

En toute logique, si la question des énergies renouvelables est devenue essentielle d'un point de vue politique, économique et industriel, elle l'est également d'un point de vue juridique. Or, à cet égard, c'est peu dire que le droit des énergies renouvelables est transversal et interpelle diverses branches de droit. Il est opportun, voire nécessaire, d'adopter une approche juridique dans les études sur les énergies renouvelables pour voir quelles sont les règles de droit applicables à ces énergies et tenter de répondre à toutes les questions que se posent les juristes en la matière.

Les énergies renouvelables, éolienne terrestre ou en off-shore, solaire thermique ou photovoltaïque, hydraulique et biomasse peuvent être traitées. Il s'avère aussi que si ces énergies renouvelables sont parfois régies par des dispositions juridiques proches de celles applicables aux autres énergies, ceci devient exceptionnel, la règle de droit, en général, étant, en effet, le plus souvent adaptée à la spécificité de ces énergies et aux problématiques nouvelles qu'elles soulèvent. Les règles issues du droit international, mais aussi d'autres branches du droit y figurent.

La réflexion juridique s'effectuera autour de nombreux axes de recherche qui portent essentiellement sur le droit des sources d'énergies renouvelables pour déterminer le statut juridique de la ressource, son cadre juridique d'exploitation en prenant en compte le droit du sol et le droit de l'environnement. Le droit du marché des énergies renouvelables pour déterminer le soutien public aux énergies renouvelables et la fixation de la planification du développement des énergies renouvelables, en fonction de l'action sur l'offre et la demande en énergies renouvelables. Tout ceci devra conduire à la connaissance des règles juridiques qui encadrent ces énergies renouvelables, à partir de lois et règlements élaborés.

Ensuite, il faudra prendre connaissance des concepts et des règles qui régissent la matière à partir des instruments juridiques que l'Algérie adoptera pour réguler ce secteur énergétique important pour les entreprises nationales exploitantes et la coopération internationale avec des partenaires étrangers disposant de la technologie nécessaire, déjà connue, comme l'éolien, le solaire photovoltaïque et le solaire thermique.

Le transport de l'électricité en Méditerranée grâce aux réseaux qui seront installés et les interconnexions possibles avec l'Europe demanderesse d'énergie sera encadré par des règles spécifiques. L'élaboration d'un droit des énergies renouvelables est donc fondamentale pour pouvoissr cerner ce secteur vital en pleine expansion, appelé à compléter le secteur traditionnel des énergies fossiles, pétrole et gaz, qui bénéficient déjà d'une réglementation abondante. Le besoin de l'Algérie de légiférer dans le domaine des énergies renouvelables s'inscrit dans la logique du droit et répond à la nécessité d'offrir un cadre juridique pertinent, de nature à favoriser l'efficacité énergétique(7).

L'exploitation industrielle des sources renouvelables d'énergies étant nouvelles, il est primordial d'élaborer des normes adéquates, aux sources diverses voire complexes. Dans de nombreux pays, le droit de l'énergie représente un vide juridique ostensible dans le domaine des énergies renouvelables et des économies d'énergie, puisqu'il ne s'intéresse visiblement qu'aux régimes légaux qui contrôlent l'exploitation du pétrole, du gaz naturel et du charbon, l'encouragement de l'utilisation de l'énergie nucléaire, ainsi qu'aux systèmes qui réglementent les réseaux d'électricité et de gaz.

Aujourd'hui, le besoin de développer les énergies renouvelables est devenu de plus en plus urgent ces dernières années, suite à la convention-cadre sur le changement climatique à cause des émissions de carbone dans l'atmosphère. Bien que la convention de Rio de Janeiro sur les changements climatiques ne fasse pas état de la réglementation sur l'énergie, il est évident qu'il n'est pas possible de parvenir à une résolution efficace des problèmes posés par les changements climatiques sans que l'utilisation mondiale de l'énergie ne soit prise au sérieux.

Le droit devrait jouer un rôle éminemment important, sans pour autant remplacer les autres moyens de promouvoir les nouvelles énergies telles que l'éducation, les mesures fiscales et les progrès technologiques qui sont des choses essentielles dans ce domaine. Malheureusement, dans la plupart des pays jusqu'à présent, peu de recherches juridiques ont été développées dans ce domaine, sauf rares exceptions aux Etats-Unis et en Australie. Il est temps de s'intéresser aux énergies nouvelles en engageant des réformes juridiques de fond, nécessaires pour envisager le long terme et créer un cadre juridique, stable et durable dont les générations futures ont besoin. Concrètement, le droit devrait permettre la réalisation des objectifs que le pays s'est engagé à atteindre dans le domaine des énergies renouvelables.

Azzouz Kerdoun : Professeur à l'Université de Constantine 1 Directeur du laboratoire Maghreb-Méditerranée, El Watan

    (1) La récente catastrophe de Fukhushima au Japon a donné lieu à de larges commentaires médiatiques à travers le monde.
    (2) Récemment, lors de la conférence internationale sur l'énergie tenue à Alger le 4 novembre 2012, le ministre algérien de l'Energie et des Mines a affirmé que "la consommation nationale d'énergie croit à un rythme jamais connu auparavant, que ce soit pour l'électricité, le gaz naturel ou les carburants, et il est attendu que la demande nationale passera de 40 à plus de 80 millions de tep à l'horizon 2030." In El Watan du 5 novembre 2012, p 5.
    (3) Ce programme, adopté par le conseil des ministres en février 2011, est décliné en 3 étapes telles qu'elles sont mentionnées dans mes développements ci-dessus. Voir aussi El Watan du 23 juin 2011
    (4) Le PDG du groupe Sonelgaz, N. Bouterfa, affirme que "nous adhérons à l'idée de Desertec." Voir El Watan du 23 juin 2011
    (5) Selon l'AFP, El Watan du 23 juin 2011, p 6
    (6) Ibid
    (7) Cf. Slougui Z. "Les éléments d'efficacité d'une politique énergétique". Thèse de doctorat d'Etat en sciences économiques, sous la direction du Pr A. Kerdoun, Université de Constantine, 2010.

vendredi 4 janvier 2013

Énergie solaire : Le Maroc ambitionne de devenir un futur hub mondial

À propos de la position du Maroc vis-à-vis des énergies renouvelables et de l'environnement
Libération, le 25/12/12

Le Maroc, qui s'attache à assurer son indépendance énergétique tout en préservant son environnement, a opté pour les énergies renouvelables. Pour devenir un futur hub mondial d'énergie solaire, le Royaume a mis en place une stratégie énergétique nationale qui privilégie le développement de la production nationale en énergie.

Le programme intégré d'énergie éolienne (PEI) et le Plan solaire marocain sont autant d'initiatives volontaristes adoptés qui permettront au Royaume de réduire sa dépendance vis-à-vis de l'étranger et d'honorer ses engagements internationaux en matière d'environnement.

Adopté en 2009 conformément aux Hautes directives Royales, le plan solaire du Maroc, d'un investissement de 70 milliards de dirhams (MMDH), ambitionne, à l'horizon 2020, de produire localement 2.000 Mégawatts (MW) via cinq centrales solaires qui s'installeront dans des sites à fort taux d'ensoleillement, à savoir Ouarzazate, Ain Bni Mathar, Foum Al Oued, Boujdour et Sebkhat Tah.

Dédié aux technologies thermo-solaires à capteurs cylindro-paraboliques avec stockage thermique, le projet de la centrale d'Ouarzazate, l'une des plus grandes stations thermo-solaires au monde, mettra en service 500 MW à l'horizon 2015.

A terme, ce gigantesque projet permettra annuellement d'économiser en combustibles 1 million de tonnes d'équivalent pétrole (TEP) et d'éviter l'émission de 5,3 millions de tonnes de CO2, confirmant ainsi la capacité du Maroc à honorer les engagements pris lors des deux sommets des Nations unies sur le climat.

La signature le 19 novembre, sous la présidence effective de SM le Roi Mohammed VI, de neuf conventions relatives au financement, à la construction et à l'exploitation de cette première centrale du complexe d'Ouarzazate, a été considérée comme l'un des faits marquants de l'année.

A cette occasion, le président de l'Agence nationale de l'énergie solaire (MASEN), en charge de la gestion du Programme solaire, Mustapha Bakkoury, a indiqué que la réalisation de cette première centrale, coûtant 7 milliards de dirhams, permettra au Royaume de répondre aux défis de la sécurité d'approvisionnement en énergies, de la préservation de l'environnement et du développement durable.

Pour sa part, le vice-président de la Banque européenne d'investissement (BEI), Philippe de Fontaine Vive, a déclaré que le complexe solaire d'Ouarzazate est «une étape importante pour le succès du Plan solaire méditerranéen» et représente un signal fort pour un avenir plus vert sur le plan du développement technologique, économique et énergétique ainsi qu'en matière d'emploi.
En effet, en se positionnant comme hub d'énergies vertes de la sous-région, le Maroc bénéficiera d'un impact positif sur le PIB variant de 1,17% à 1,9% en fin de période (2040), avec une amélioration de l'emploi à plein temps, allant de 1,5 à 2,4 millions d'emplois, selon une étude intitulée «Energies renouvelables et développement durable en Méditerranée : le Maroc et le Plan solaire méditerranéen (PSM)», notamment via la production électrique, la recherche développement et la promotion d'une industrie solaire intégrée, ainsi qu'à l'ouverture aux marchés euro-méditerranéens de l'énergie.

Un intérêt particulier a été accordé à ce projet, où plus de 800 millions d'euros, de prêt et de don, ont été mobilisés par des institutions financières européennes : l'Agence française de développement, la Banque européenne d'investissement et la KFW Bankengruppe, pour des prêts s'élevant à 100 millions d'euros chacun, soit un total de 300 millions d'euros, ainsi que par les institutions financières multilatérales que sont la Banque africaine de développement (BAD), pour un prêt pouvant atteindre 168 millions d'euros, et la Banque mondiale (BM), pour un prêt de 150 millions d'euros.

Il s'agit également du Fonds de technologies propres, cogéré par la BM et la BAD, avec 150 millions d'euros, de la Commission européenne, à travers la Facilité d'investissement pour le voisinage, pour un don de 30 millions d'euros, ainsi que du ministère fédéral allemand de l'Environnement, pour un don de 15 millions d'euros.

L'Etat marocain a, pour sa part, mobilisé une enveloppe de 2 milliards de dirhams pour le soutien du plan solaire national notamment en terme d'infrastructure électrique pour l'évacuation de l'électricité produite.

La BEI, qui envisage de tripler sa contribution au fil de la réalisation du projet, note qu'une fois intégralement réalisé, le complexe d'Ouarzazate sera l'un des plus grands au monde.
A côté de cet important projet de développement de l'énergie solaire, le Maroc nourrit une grande ambition pour son programme éolien (31,5 MMDH), qui permettra d'économiser 2,5 millions de tonnes d'équivalent pétrole en combustible fossile, soit 10 MMDH de dépense annuelle.

Gaz et pétrole de schiste : la France veut faire de l'Algérie un "laboratoire"

Abdou Semmar, à propos de la contestation du projet du gouvernement français d'exploration du gaz et pétrole de schiste en Algérie
Algérie-Focus, le 23/12/12

Dans une Pétition rendue publique samedi, plusieurs collectifs et associations françaises ont appelé le gouvernement français à suspendre son projet d'exploration du gaz et pétrole de schiste en Algérie. "La France considère toujours ses ex-colonies comme des laboratoires pour les sales besognes impossibles à mener sur le territoire national", c'est en ces termes que les collectifs citoyens français en lutte contre l'exploitation et l'exploration des gaz et pétrole de schiste ont tenu à dénoncer l'accord signé entre les autorités algériennes et françaises concernant ce projet d'exploration qui devrait être mené prochainement par des entreprises françaises sur le territoire algérien.

Cette information, révélée par le ministre français des Affaires Étrangères Laurent Fabius à l'hebdomadaire  le Point, a provoqué l'indignation des écologistes et défenseurs de l'environnement en France. Selon les auteurs de cette pétition, cet accord ferait de l'Algérie « un laboratoire que la mobilisation citoyenne sans précédent a rendu plus difficile à mettre en place en France : celui des expérimentations d'alternatives à la fracturation hydraulique ». Il s'agit de la « seule technologie actuellement rentable pour exploiter les hydrocarbures de schiste, la fracturation hydraulique est interdite sur le territoire français depuis le 13 juillet 2011?, rappellent encore les signataires de cette pétition d'après laquelle « les Algériens peuvent remercier les dirigeants français et algériens qui s'entendent sans vergogne pour envisager ces projets au mépris de leur avenir ».

Il est à souligner que François Hollande « s'est publiquement engagé en septembre dernier à ne pas permettre l'exploitation des gaz et pétrole de schiste au nom de la défense de l'environnement ». Mais cet engagement ne concerne pas visiblement l'Algérie où rien encore n'interdit l'exploration des gaz et pétrole de schiste. En Algérie, les autorités négligent, apparemment, les conséquences potentiellement majeures de ce projet pour l'environnement.