mardi 4 septembre 2012

Cinq artisans d'une architecture "durable" récompensés, Le Monde


LE MONDE | 16.04.2012 à 14h22 • Mis à jour le 15.06.2012 à 19h54
Par Sophie Landrin

En Afghanistan, un architecte néerlandais a conçu un centre d'accueil en terre et briques pour les visiteurs du parc Band-e-Amir.

En Afghanistan, un architecte néerlandais a conçu un centre d'accueil en terre et briques pour les visiteurs du parc Band-e-Amir. | ANNE FEENSTRA

Des ruines de la cité forteresse de Daw'an, l'architecte Salma Samar Damluji a fait renaître de sublimes palais, maisons, mosquées, refusant de laisser l'urbanisation, les guerres et l'obscurantisme détruire ce patrimoine en terre crue qui se fond dans le paysage ocre des montagnes de l'Hadramout, région orientale désertique du Yémen. Irakienne, née à Beyrouth, formée en Angleterre, cette architecte s'est totalement vouée à la rénovation de l'habitat de terre, qui n'a rien de marginal, la moitié de la population mondiale y ayant recours.

Depuis 2005, avec les artisans de Daw'an, elle relève les murs, étanchéifie les toits à la chaux et forme les étudiants yéménites et étrangers sur le site. Il ne s'agit pas de reconstruire à l'identique : pour fixer la population dans ses villages délaissés, l'architecte tente d'offrir un "confort" moderne, avec salle à manger, salle de bain...
Salma Samar Damluji fait partie des cinq lauréats du Global Award for Substainable Architecture, décerné vendredi 13 avril à Paris. Ce prix, créé il y a six ans par Jana Revedin et la Cité de l'architecture et du patrimoine, entend promouvoir une architecture durable et éthique, au Nord comme au Sud. Tous les lauréats partagent cette même démarche.

A 3 000 MÈTRES D'ALTITUDE

Anne Feenstra a, lui, quitté le confort des Pays-Bas pour poser, il y a huit ans, ses bagages à Kaboul, en Afghanistan. Après avoir travaillé dans de grands cabinets habitués des concours, cet architecte hollandais a choisi de délaisser la "star achitecture" pour explorer le chemin d'une "architecture lente et durable". Ignorant les chaos de la guerre, il s'est concentré sur de petits projets, comme la construction de cinq maternités à travers le pays, ou la création d'un centre d'accueil des visiteurs dans le premier parc national du pays, le Band-e-Amir.
Ce site, qui abrite six lacs cristallins bordés d'une barrière de travertin, une roche calcaire, au pied de l'Hindou Kouch, était jusqu'alors dépourvu d'infrastructures. Dans ce joyau, les Afghans avaient l'habitude de nettoyer leurs voitures, de vidanger leur huile et de déverser leurs déchets. A près de 3 000 mètres d'altitude, sans grands moyens, avec de la terre, de la brique et de l'ingéniosité, Anne Feenstra invente une architecture durable en lien avec les savoir-faire locaux, capable d'utiliser l'énergie solaire pour chauffer les bâtiments et de résister aux séismes qui menacent la région.
En Indonésie, sur l'île de Sumatra, ce sont deux jeunes Norvégiens, Andreas G. Gjertsen et Yashar Hanstad, qui se sont attelés avec la communauté locale et le concours de jeunes architectes occidentaux à la construction d'une coopérative de production de cannelle, servant aussi de centre de formation des ouvriers.
En France, le comité scientifique du Global Award a sélectionné l'architecte Philippe Madec, grand défendeur depuis vingt ans des écoquartiers et du territoire durable. Du petit bourg de Plourin-lès-Morlaix (Finistère) au fort d'Aubervilliers, en passant par Casablanca, Philippe Madec va chercher ses matériaux à moins de dix kilomètres des chantiers, n'utilise que la ventilation naturelle et ne construit ses "projets partagés" qu'au terme de longues consultations des habitants.
Enfin, le Global Award a mis en lumière le travail quasi mystique de Suriya Umpansiriratana, un artiste peintre thaïlandais converti au bouddhisme qui érige, en pleine jungle, une cité monastique en totale harmonie avec la nature.
Sophie Landrin

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